Chocolaterie Poulain
(France)
Une fulgurante ascension
Cette chocolaterie participa et contribua à l’essor de la chocolaterie dans notre pays. Né en 1825 au sein d’une humble famille de cultivateurs, établie à la ferme des Bordes, à proximité de Pontlevoy (Loir-et-Cher) [1], Victor-Auguste Poulain quitta la ferme paternelle, de son propre chef, à l’âge de neuf ans pour « gagner sa vie au dehors » et, après avoir longtemps marché, trouva à travailler comme apprenti (1834-1835) chez un épicier de Bléré (Indre-et-Loire). Il fut ensuite commis (1836-1837) dans une épicerie de Blois (Loir-et-Cher). Puis, irrésistiblement attiré par l’aura de Paris, il s’y rendit (2), à seulement douze ans.
(1) Canton de Montrichard, près de Chaumont-sur-Loire. Elle dépendait du château des Bordes, appartenant au comte Henry-Armand de Ribeyreys, qui, en 1823, l’avait donnée à ferme, par bail de neuf ans, à Bruno-François Poulain, père de Victor-Auguste.
(2) La voiture attelée quotidienne Blois-Orléans (la pompe) correspondait avec la diligence Orléans-Paris.
Dès le lendemain de son arrivée, sur recommandation (3), il fut engagé dans une épicerie réputée, Au mortier d’argent, fondée en 1749 rue des Fossés-Monsieur-le-Prince (auj. 60 rue Monsieur-le-Prince), sur la rive gauche, non loin du jardin du Luxembourg. « C’était un de ces riches magasins avec ses comptoirs garnis de pains de sucre habillés de papier bleu, ses tonneaux de mélasse, son baquet de colle, ses étagères garnies de pots de confitures, de bocaux d’olives, de bouteilles de ratafia, de parfait-amour, de muscat, de cognac et d’anisette, et, pendu sous l’imposte de la porte d’entrée, son faisceau de petits balais à 2 sous. », explique Jean Chavigny (4). Le jeune commis découvrit auprès de l’épicier, M. Leguerrier, l’art de fabriquer le chocolat. « De tout ce qu’il voyait chez son patron parisien, rien ne plaisait tant à Auguste que la fabrication du chocolat. Était-ce ce pressentiment de ses succès futurs ? Toujours est-il que de tous les moments de loisir que lui laissait son métier de garçon épicier, il les passait dans l’arrière-boutique à aider l’ouvrier chargé de cette fabrication. » (5)
(3) Sans doute la lettre d’introduction lui avait-elle été donnée par la propriétaire du château des Bordes, la comtesse de Ribeyreys, qui se fournissait en chocolat dans ce commerce.
(4) La Belle Histoire du Chocolat Poulain, 1948. Honoré de Balzac fut un des clients de cette épicerie ; il s’y approvisionnait en bougies et en café.
(5) M. Doliveux, discours d’inauguration du buste d’Auguste Poulain à Blois, le 13 août 1905.
En 1847, décidé à utiliser ses économies pour s’établir à son compte, dans le métier de confiseur, Auguste Poulain rentra dans sa région natale. Ses débuts à Blois, au 68 Grande-Rue (auj. 4, rue Porte-Chartraine)[1], furent difficiles, car la concurrence était rude — la cité blésoise comptait cinq confiseurs qui, à l’instar de quelques épiciers de la ville, fabriquaient eux-mêmes le chocolat qu’ils commercialisaient. Lorsque Poulain lança sa marque de chocolat, en 1848, la production se faisait avec une broyeuse à bras, dans l’arrière-boutique, avec un seul ouvrier[2]. Il fournissait alors deux sortes de tablettes de chocolat : l’une au maragnan, à 1,50 cent. le demi-kilo, et l’autre associant maragnan et caraque, parfumé à la vanille, à 2 francs. Son souci de confectionner un chocolat de qualité « sans rivale » ne tarda pas à le faire connaître et à lui permettre de vaincre les problèmes. En 1852, il déposa une demande d’un brevet de cinq ans « pour une préparation de chocolat »[3], et, de ce fait, protégea son chocolat des contrefaçons, alors très courantes ; c’est à cette même fin qu’il choisit alors de graver la marque « Poulain » sur les tablettes. Par ailleurs, sa femme, Pauline Bagoulard[4], qu’il avait épousée en février 1848, à Bracieux, allait largement contribuer, par son ardeur au travail, à la prospérité de l’entreprise, notamment en s’occupant du magasin de vente, où étaient aussi proposés articles de confiserie, thés, cafés, sucres, biscuits, vins fins, liqueurs et tapioca. Ces lieux étant devenus exigus, boutique et ateliers furent transférés en 1853 au 74 Grande-Rue (auj. 10, rue Porte-Chartraine). La fabrication y bénéficiait d’une nouvelle broyeuse actionnée par une petite machine à vapeur de cinq chevaux, que les passants pouvaient voir fonctionner de la rue, à travers la baie vitrée. Toutefois, l’entreprise ne cessa de gagner en importance, et l’atelier devint vite insuffisant. Bien qu’il fût désormais assistés de deux ouvriers (outre le père Jacques) et qu’il louât à la fois la force motrice d’une fonderie[5] et une grange attenante pour y torréfier et broyer les fèves, puis qu’il équipât ce local de machines plus performantes, Auguste Poulain dut envisager d’agrandir ses installations et de les concevoir de façon plus rationnelle — en effet, le pliage des tablettes se faisant dans l’arrière-boutique de la rue Porte-Chartraine[6]. Il dut aussi, plus que jamais, faire face à la concurrence, d’autant que celle-ci était souvent déloyale. En témoigne une annonce publicitaire « Avis aux Consommateurs. Contrefaçon », parue dans le Journal du Loir-et-Cher en 1857[7] : « La Maison Poulain, dont les chocolats ont acquis une si juste réputation, a récemment créé, sous le nom de Bouchées Impériales, un délicieux bonbon qui n’a pas tardé à exciter la concurrence d’un confiseur de Blois, qui, ne pouvant en égaler la qualité, s’est borné à en imiter la forme ; aussi n’est-il pas surprenant qu’il puisse le livrer en raison de sa qualité inférieure, au-dessous du prix de 5 francs le ½ kilo établi par la Maison Poulain qui défie toute concurrence loyale de le livrer à meilleur marché, et qui engage instamment sa nombreuse clientèle à faire la comparaison des deux produits. / La Maison Poulain tient en réserve pour la fin de l’année un joli assortiment de Bonbons nouveaux, de son invention, que, pour éviter toute contrefaçon ultérieure, elle mettra en vente huit jours seulement avant le Jour de l’An. »
[1] Maison où était né en 1805 Jean-Eugène Robert, plus connu sous le nom de Robert-Houdin.
[2] Entré chez Poulain en 1848, Jacques Jouanneau y resta jusqu’en 1882. Il devait être surnommé le père Jacques par les ouvriers de l’usine.
[3] Le 8 mars 1852, auprès de la préfecture du Loir-et-Cher.
[4] Elle devait mourir d’une courte maladie en 1864, laissant trois enfants — Augustine-Aline (née en 1849), Albert (né en 1851) et Pauline-Eugénie-Marie (née en 1855).
[5] Au 26 Route-Basse de Paris, au bas de la côte du Sanitas. Auj. 44 rue de Verdun.
[6] La Grande-Rue fut rebaptisée Porte-Chartraine en 1852.
[7] 10 décembre 1857. Cité par Jean Chavigny, La Belle Histoire du Chocolat Poulain, 1948.
Henri Gerbault.
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