Banania
(France)
Cette poudre cacaotée instantanée solubleétait, à l’origine, composée de cacao, de sucre, de farine de banane et de crème d’orge, elle est aujourd’hui faite de cacao fortement dégraissé (21 %), de céréales biscuitées [farine de froment, d’orge et de blé malté] (10 %), de banane, de miel, de vanilline et de sel. À noter que, suite au décret du 15 février 1918, qui imposa que la composition des produits fût indiquée sur les contenants, nous savons que, pendant la Grande Guerre, le Banania fut constitué, à un moment donné, de 12 % de farine de banane, 48 % de sucrée (sic), 32 % de cacao solubilisé et de sucre vanilliné, et de 8 % de crème végétale de châtaignes, étuvée, maltée — en remplacement des crèmes d’orge réquisitionnées.
En parcourant le monde comme critique d’art, Pierre-François Lardet, qui, fut, un temps, banquier de son métier, fit, en 1909, un périple au Nicaragua, et découvrit, auprès des indiens du bord du lac Managua, un breuvage à base de farine de banane, de céréales pilées, de cacao et de sucre. De retour en France, ayant repris son activité de journaliste, il tenta de reconstituer cette boisson, avec l’aide d’un ami pharmacien. Ainsi, en 1912 naquit à Courbevoie une nouvelle boisson, mariant de la farine de banane, du cacao, du sucre et de la crème d’orge (pour faciliter la digestion). Dans l’hexagone, l’idée n’était pas véritablement nouvelle… Un article publicitaire, paru en 1909 (1) et se référant à l’éloge que l’explorateur Henry Morton Stanley avait fait de la valeur alimentaire de la banane, vantait les mérites des Produits Banana, commercialisés par un pharmacien parisien, G. Roure : une farine de banane, Banana, et un « mélange savamment dosé de Banana et de cacao », baptisé Banacacao — des produits destinés « aux enfants, aux femmes, aux malades, aux convalescents, à tous ceux qui souffrent de l’estomac et de l’intestin », ainsi qu’« à tous ceux qui, connaissant les propriétés essentiellement nutritives de la banane, veulent la consommer surtout en qualité d’aliment régénérateur des forces. » En outre, observe Daniel Bordet (2), « un album publicitaire édité en 1910 par une importante fabrique suisse, les “ Chocolats fins de Villars ”, proposait des boîtes renfermant 27 cubes d’un déjeuner “ Stanley-Cacao DeVillars ”, une combinaison de cacao et de bananes formant un “ aliment vraiment idéal ”. »
(1) Touche à Tout, n° 3, mars 1909.
(2) Tous ces éléments sont contenus dans un excellent article de Daniel Bordet, paru dans La Vie du Collectionneur, n° 278, vendredi 25 juin 1999.
Incontestablement Lardet eut connaissance de ces divers produits. Quoi qu’il en fût, il déposa plusieurs marques (Bacao, Bananose, etc.) avant d’opter définitivement pour le nom de Banania, qu’il déposa le 31 août 1914. En février 1916 furent créés les Établissements Lardet et Cie. Peu après, lors de la Foire de Lyon (avril 1916), la marque suscitait déjà l'intérêt. Pour preuve, ce qu'en dit Le Monde Illustré (22 avril 1916) : « Banania est véritablement l'aliment idéal pour les petits, si fragiles… […] lecomplément indispensable de la diète des convalescents, des anémiés,des surmenés,… ». Mais, surtout, dans ce contexte de la Grande Guerre : « Banania est un embusqué — parfaitement — embusqué au chevet de nos blessés, — qui, grâce à cet aliment, reviennent à la santé — et au front. C'est pour nos soldats la nourriture abondante et qui réconforte, sous le moindre volume possible. »
Si, en 1917, Lardet s’associa avec les Établissements Debray et déposa la marque Banania-Debray, cette collaboration fut, semble-t-il, fort courte. L’entreprise Banania possédait une usine à Courbevoie (Hauts-de-Seine) — 4 rue Lambrecht — et son siège à Paris — 48 rue de la Victoire. En 1921, Lardet s’associa avec Albert Viallet, et en janvier 1922 fut fondée la société anonyme des Établissements Banania. Mais, en 1925, pour s’être montré mauvais gestionnaire, Lardet se vit évincer de sa firme. Deux ans plus tard, Viallet fit appel à son neveu, Albert Lespinasse, qui devait contribuer à l’essor de la marque, grâce à un usage avisé de la publicité — il fut conseillé, en cela, par le publicitaire Jacques Bazaine. En 1953, Albert Lespinasse succéda à son oncle. En dépit de deux incendies successifs, dan sles années 1950 — l’usine finit par être reconstruite à Faverolles, près de Compiègne —, la production ne cessa de croître ; en 1962, Banania couvrait plus d’un tiers du marché national des poudres à base de cacao. En 1972, lorsque Albert Lespinasse prit sa retraite, l’entreprise fut reprise par l’américain CPC (Corn Products Corporation). Celui-ci, devenu Bestfoods en 1999, fut absorbé, l’année suivante, par le groupe anglo-hollandais Unilever. Lequel, en 2003, céda Banania (3) à la société Nutrimaine (groupe Nutrial).
(3) En même temps que les marques Benco et Yabon.
Sans doute la firme Banania dut-elle son succès moins à l’originalité de sa création qu’au talent commercial de son fondateur et à son utilisation novatrice de la publicité. « Reconstituant », « énergétique », « nutritif », mais toujours « exquis », Banania sut s’adapter à l’actualité. « Le plus nourrissant des aliments français » intervint au secours des Poilus : un train de quatorze wagons chargés de Banania fut envoyé sur le front en 1917. Dans l’entre-deux-guerres, Banania devint « l’ami des enfants » et l’auxiliaire de leur croissance. Au cours de la Seconde guerre mondiale, la publicité « presse », confiée à Henri Sjöberg, eut recours à des slogans empreints d’humour, tels que « D. C. A. Défense contre l’anémie », « Après l’alerte, c’est un réconfort », « Défense passive de votre organisme » ou « Tous les matins je réquisitionne mon Banania ». Le conflit terminé, le « petit déjeuner familial » intensifia sa communication, l’axant sur les notions de santé et de forme, alors en faveur. « Banania, du ressort pour la journée » fut la devise des années 1960. La formule instantanée de la poudre, lancée en 1982, devait reprendre cette thématique moderne d’un produit tonique, adapté au rythme trépidant de l’époque.
Parallèlement au célèbre Banania, d’autres produits virent le jour. En 1964, le célèbre slogan Y’a bon ! devint la marque des gâteaux de riz et de semoule de la firme Toscat, rachetée quelques années plus tôt par la société Banania — une gamme plus tard complétée par des crèmes. En 1967 fut lancé Benco, poudre cacaotée soluble à chaud ou à froid, fabriquée selon une technique nouvelle de granulation, et qui, en 1990, fut enrichie de vitamines. En 1990, la firme, toujours à l’écoute des enfants, lança Na ! de Banania, cacao-goût noisette ou cacao-goût noix de coco, poudre cacaotée enrichie en protéines laitières et végétales.
Enfin, il convient de noter que Banania fit école… Ainsi fut commercialisé dans les années 1930 un Déjeuner à la banane, « Déjeuner savoureux à base de cacao et farine de banane », fabriqué par R. Montoux, à Poitiers (4). Sans oublier les imitations affichées (Superbana, « l’aliment merveilleux », par exemple). D’autre part, au milieu des années 1960, Banania s’associa avec la biscuiterie L’Alsacienne pour la production d’un biscuit fourré de Banania, l’Alsacien Banania. Une affiche d’Hervé Morvan (imprimée par de La Vasselais, Paris, vers 1964) figure les têtes de l’Alsacienne et du tirailleur autour d’un paquet de six « grands goûters ». À la même époque, un projet similaire n’aboutit pas, qui réunissait les pâtes Panzani et Y a bon pour un nouveau produit : Panzania, des pâtes à la sauce chocolatée. Une publicité avait pourtant été réalisée par le même Hervé Morvan et imprimée aussi par de La Vasselais (Paris, vers 1966-1967), pour laquelle le cuisinier Panzani et le tirailleur Banania ne faisaient qu’un (5).
(4) 126, avenue de Bordeaux.
(5) La Vie du Collectionneur, n° 454, vendredi 28 mars 2003.
Le matin, nous sommes encore six au petit déjeuner. Mais je prends du thé, Mariette du chocolat, Nico du Banania, tandis que les trois derniers en sont encore à la blédine. Le nombre s’affole dans la diversité.
Hervé Bazin
Le Matrimoine
L'mage de la marque
De Andreis, imp. Camis, Paris,
1915 ?, 163 x 123 cm.
Hervé Morvan, Paris : Ets de La Vasselais, 1959 ?, 60 x 40 cm.
Affichette, tirailleur de Morvan. Imp. LUF, Neuilly.
29 x 39,3 cm.
La publicité
Plaque de propreté glassoïd,
tirailleur de Sépo. 6,1 x 25 cm.
La publicité presse
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