Perron

(France)

 

Chocolaterie créée en 1825 (1) par Eugène-Pierre Perron, établie au 3 rue des Amandiers-Popincourtà Paris, et aujourdhui disparue. Sans doute eut-elle très tôt un magasin au 14 rue Vivienne, car, dans les années 1830, une publicité concernait le « Chocolat de Perron ». Ainsi trouve-t-on un encart en 1835 (mardi 3 mars, n° 62) dans le journal LEntracte : « Au cacao des îles, 2 f au caraque pur, 3 f. Leur douceur et leur pureté les distinguent de tous ceux connus. Rien nest plus léger et plus suave que celui au caraque. Rue Vivienne, n° 9, au fond de la cour. »

En fait, on sait peu de choses de cette fabrique, sinon quelle abritait plusieurs machines conçues par G. Hermann et quelle était estimée de la Société dEncouragement pour lIndustrie Nationale. « Votre comité [comité des arts mécaniques] a aussi vu avec satisfaction les ateliers de M. Perron, dans lesquels le chocolat de diverses qualités est fait avec un soin particulier », écrit M. Francœur dans un Bulletin de cette société (novembre 1841). Les produits de la firme furent remarqués, notamment, à lexposition universelle de Londres, en 1862 (2).

La société anonyme du chocolat Perron, constituée en 1919, installa son usine, au début des années 1920, au 15, rue Lapérouse, dans le quartier des Quatre-Chemins, à Pantin (Seine-Saint-Denis)sur le site de la chocolaterie Valentin (à laquelle avaient succédé les établissements Clément). Elle y demeura jusquen 1931. Sa production quotidienne sélevait à 6 tonnes.

(1) Une publicité de 1921 indique toutefois qu'il existait déjà sous l'Empire !

(2) Annales du Conservatoire [impérial] [puis national] des arts et métiers, 1série, tome 3, 1862, Paris, Librairie scientifique industrielle et agricole de Eugène Lacroix, 1862.

L’Espérance, 23 janvier 1853

De même que le chocolat Perron blanchit en vieillissant, à la manière des simples mortels, il paraît que certaines œuvres de M. Saint-Saëns, Henri VIII notamment, ont cela de commun avec les vins de Bordeaux qu’elles s’améliorent en voyageant.

Ely-Edmond Grimard,

dans Les Annales Politiques et Littéraires, 9 décembre 1883

La Dépêche, 14 mars 1921


Journal des débats politiques et littéraires,  15 novembre 1853.

Ces chocolatines firent l'objet d'un brevet d’invention de quinze ans. « La demande a été déposée, le 2 juin 1853, au secrétariat de la préfecture du département de la Seine, par le sieur Perron (Eugène-Pierre), à Paris, rue Vivienne, n° 14, pour les chocolatines ou dragées parisiennes. » [Décret impérial qui proclame 991 brevets et certificats d’addition du 29 juin 1854 dans le Bulletin des lois.]


A l'Exposition Universelle de 1855, 

le chocolat et la chocolatière de M Perron

 

« Les médecins de tous les pays regardent le chocolat comme un aliment précieux pour les deux âges extrêmes de la vie, c’est-à-dire pour l'enfance et la vieillesse ; d’autre part, les botanistes et les voyageurs s’accordent entre eux pour signaler le cacao comme une des plus utiles productions des tropiques. Mais la vertu naturelle de ces deux substances n'atteindrait pas le but qui lui est assigné par le créateur de toutes choses, si elles n’étaient préparées avec le soin, l’expérience, la sagacité, nous dirons même la probité qu'elles réclament et qui doivent compléter leurs admirables qualités, et en faire à la fois l’agrément de la bouche et la santé du corps.

Or, parmi tous les chocolats qu’on nous débite avec grand renfort de luxe et de réclames, combien en est-il qui méritent réellement les éloges des savants et des connaisseurs ? Il ne suffit pas de faire grand étalage de luxe sur les boîtes, de mettre des étiquettes dorées, d’accumuler les épithètes de fin, extra-fin ; tout cela ne peut donner la finesse, le goût et la saveur à un chocolat mal préparé, qui devient alors une dragée plus ou moins fardée, mais n’est plus cet aliment précieux si favorable à l’estomac et dont les vertus sont si efficaces.

Journal des villes et des campagnes, 19 mai 1858

Ces reproches mérités par des industriels, trop peu soigneux dans la préparation du chocolat, nous n’aurons garde de les faire à M. Perron, dont nous avons examiné la vitrine l’autre jour dans un visite que nous avons faite à l’Exposition de l’Industrie.

Avant tout, il nous faut exprimer le regret d’avoir vu si peu de place accordée à cet honorable industriel qui, par les admirables préparatifs faits à cette occasion, par sa position commerciale et la supériorité de ses produits, méritait mieux que cet espace beaucoup trop restreint.

Mais si petite que soit cette place, la manière dont M. Perron l’a occupée, mérite encore une attention soutenue de la part des amateurs et de ceux qui s’intéressent au succès de notre industrie nationale.

Voici d’abord deux blocs de chocolat dont la belle couleur claire, unie, indique qu’ils sont à la fois le produit des meilleurs cacaos et des meilleurs procédés de travail. L’un appartient à la qualité qui se vend 2 fr. le 1|2 kilo, et  l'autre à celle de 3 fr.

Quand on a goûté ces chocolats, on peut affirmer sans crainte que jamais on n’a offert au public rien de plus parfaitement broyé, de plus doux et de plus substantiel. C’est surtout la qualité à 2 fr. qui a fixé notre attention, car bien faire signifie, à notre avis, faire bon et à bon marché. Or, ces deux conditions essentielles nous ont paru parfaitement remplies, et personne n’oserait nous contredire sur ce point. Comme complément à ces chocolats, nous avons vu, dans la vitrine de M. Perron, une chocolatière confectionnée d’après les idées de ce fabricant, qui a compris qu’il ne suffisait pas d’acheter du bon chocolat, mais encore de soigner sa préparation, si l’on ne voulait pas perdre tout l’avantage du bon choix que l’on a fait. Or, chacun sait qu’il y avait avec les chocolatières ordinaires mille accidents à craindre. Avec elles une cuisinière, soit manque de temps ou d’attention, soit complète inexpérience de sa part, ne vous donnait jamais qu’un breuvage trouble, parfois pâteux, sans onctuosité, pareil, en un mot, à une bouillie épaisse, graisseuse, souvent âcre et brûlée. Ce qui nous fait saluer avec plaisir la nouvelle invention de M. Perron, c’est que sa chocolatière évite parfaitement tous ces inconvénients ; d’abord, elle ne demande aucun soin, aucune attention. Pareille à la plupart de ces intelligentes machines que l’Exposition nous montre en si grand nombre dans tous les genres, elle fonctionne à peu près toute seule, et le chocolat s’y prépare tout naturellement sans pouvoir jamais être mal dissous ou brûlé. M. Perron, du reste, pour populariser cet appareil et mettre tout le monde à même d’en apprécier l’importance, le donne par surcroît à l’acheteur. C’est un véritable sacrifice fait à sas intérêts, car il n’en augmente pas pour cela le prix de ses chocolats.

Nous ne parlerons que pour mémoire des statuettes, des petits monuments, des tableaux que M. Perron a exposés dans sa vitrine, et qui prouvent que l’industriel sait aussi montrer parfois le goût de l’artiste ; c’est, d’ailleurs, un moyen de nous faire comprendre que le chocolat est susceptible, non-seulement de nous offrir un mets agréable et nutritif, capable même de ramener la force et la santé dans un corps débile, mais encore de se prêter à des fantaisies artistiques qui peuvent ajouter au coup d’œil d’une table élégante, où ce mets délicat trouve si bien sa place.

En effet, M. Perron, en homme qui sait étendre et agrandir chaque jour la sphère de son industrie, a créé, sous le nom de chocolatines, une spécialité de friandises les plus suaves et les plus délicates, qui peuvent défier tout ce que nos confiseurs font de plus séduisant au goût. Par le mélange des alliages et la diversité des formes qu’il emploie, M. Perron peut offrir toutes sortes de dragées dont le chocolat reste constamment la base, et qui ont l’avantage des dragées sans en avoir les inconvénients.

Tout ce que l’on connaissait en bonbons de sucres a été remplacé, par M. Perron, par de nouveaux bonbons au chocolat, et on peut dire que chez lui l’art du chocolatier a été substitué à celui du confiseur. Aussi, plus de craintes pour les mères, au sujet des douceurs qu’on offre aux enfants ; plus d'accidents causés par les effets acides du sucre, des couleurs, etc. ; rien qu’une friandise qui change de parfum et de forme, mais dont la base est toujours le chocolat. Nous ne serions pas surpris que bientôt, dans toutes les collations de baptêmes, les friandises de M. Perron fussent appelées à remplacer les traditionnelles dragées que beaucoup de gens reçoivent, mettent en poche par convenance, mais ne mangent jamais.

N’oublions pas de mentionner, dans les nombreuses innovations faites par M. Perron, une préparation d’extrait de vanille qui est véritablement une nouvelle conquête pour nos tables. Grâce à ce procédé, nous pourrons à l’instant même préparer toutes les boissons, aliments, fruits, avec le parfum de vanille qui est si généralement apprécié, et cependant d’un usage encore si rare dans les ménages, à cause des difficultés qu'a toujours offert jusqu’ici sa préparation.

On le voit, si la vitrine de M. Perron paraît un peu modeste, par le peu d’espace qu’elle occupe, cela ne l’empêche pas d être une des plus intéressantes de l’Exposition, grâce aux nombreux perfectionnements apportés à son industrie par cet honorable commerçant.

M. Perron a obtenu en 1851 une médaille de prix à l'Exposition universelle de Londres, et une autre médaille en 1853 à l’Exposition universelle de New-York.

Si le jury étranger a rendu un pareil hommage aux produits de M. Perron, celui de son pays ne peut manquer de consacrer une réputation si justement acquise, et lui valoir un nouveau titre à la confiance publique.

A. de Bobt.

L'Aube, 30 octobre 1855

Une réclame bien pensée

 

« Le meilleur chocolat est le chocolat Perron.

J'ose dire que l'industriel qui a trouvé cette phrase est un grand homme. Ses confrères se lancent dans des phrases de réclame qui n'en finissent point ; ils parlent de cacao des îles, de sucre des colonies, de mécaniques à la vapeur ; ils entrent dans toutes sortes d'explications qui sont discutables, et qui promènent l'esprit du lecteur loin de la seule chose qu'ils veulent lui apprendre : le nom de leur établissement. M. Perron ne s'embarrasse point de tous ces détails inutiles ; il tranche d'un seul mot qui n'admet pas de réplique : le meilleur chocolat est le chocolat Perron.

Que voulez-vous répondre à cela ? Trouvez-moi, s'il vous plaît, un point par où pénétrer dans cette phrase si compacte et si ferme ? Elle s'impose par sa forme brève, qui est celle de la conviction et du commandement. C'est un axiome : s'avisa-t-on jamais de discuter des axiomes ?

Et remarquez même que M. Perron ne donne point son adresse à la suite de sa phrase. Ceci, messieurs, est un trait de génie. Un nom de rue, un numéro, ce sont des choses transitoires qui ôteraient au chocolat Perron ce qu'il a d'éternel et d'immuable. Quand vous lisez ces simples mots : le meilleur chocolat est le chocolat Perron, c'est comme si l'on vous disait qu'il n'y a qu'un Perron au monde, le grand, l'illustre, l'incomparable Perron, le Perron du chocolat Perron. Vous rougissez en vous même de ne pas savoir où il demeure ; vous avez des remords en prenant le matin votre chocolat, qui n'est pas le meilleur chocolat.

Songez encore que cette phrase revient tous les jours, à la même place, dans tous les journaux qui se publient en France. Allez au fond de la Bretagne, entrez dans le plus misérable cabaret du plus honteux petit trou, demandez-y la Voix de Lesneven ou l'Écho du Huelgoat ; tournez la quatrième page ; les derniers mots que vous apercevrez, ceux qui précèdent la signature du gérant et qui ferment le journal, ceux sur lesquels vous vous endormirez, dont vous rêverez peut-être, ce sont les mots sacramentels : « Le meilleur chocolat est le chocolat Perron». Et avez-vous réfléchi à l'énorme puissance d'une même phrase qui vient sans cesse frapper le cerveau à coups réguliers ? elle s'y enfonce peu à peu ; elle y pénètre si profondément qu'il devient impossible de l'en arracher.

C'est la goutte d'eau qui creuse les roches les plus dures. Répétez tous les jours d'un sot avéré qu'il est un homme d'esprit, il ne faudra pas bien longtemps pour que le public dise à son tour : C'est un homme d'esprit. Les meilleures raisons du monde ne peuvent rien contre une phrase toute faite. Il faut, pour comprendre de bonnes raisons, avoir de l'intelligence et se donner du mal. La foule est imbécile et paresseuse et se compose presque tout entière de moutons de Panurge. Je suppose qu'aujourd'hui l'Académie des sciences analyse le chocolat de M. Perron et démontre clair comme le jour qu'il est fait avec de la farine et de la mélasse : « — Voilà qui est bel et bien, dira la foule, mais il n'en est pas moins vrai que le meilleur chocolat est le chocolat Perron. »

 

Francisque Sarcey,

Le mot et la chose, Paris, Michel Lévy Frères, 1863.

Façade en 1985.

Phot. Philippe Malpertu / Archives départementales de la Seine-Saint-Denis

La publicité

 

Les chromos

 

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.