Suriname
(anc. Surinam)
Enserré entre le Guyana et la Guyane française, cet état, indépendant depuis 1975, fut autrefois un important producteur de cacao. Des trois Guyanes (française, hollandaise et anglaise), c’est celle qui a joué le rôle le plus important sur le marché du cacao. À l’instar du café et du sucre, le cacao y fut implanté sur les sols alluvionnaires de la régions côtière
À la fin des années 1760, les Hollandais prirent ce territoire à l’Angleterre à laquelle ils cédèrent en échange la Nouvelle-Amsterdam (auj. New York). Le cacao y était indigène. Selon certains, les Anglais introduisirent au Surinam, avant de le quitter, du cacao originaire de La Trinité. Selon d’autres, comme Alexandre Lédi (1922), c’est au gouverneur François van Aerssen de Chatillon que revient l’honneur d’y avoir le premier introduit le cacao — « dès 1685, Ridder de Chatillon qui, sur l’ordre de son père, s était mis à la recherche des soldats déserteurs, avait apporté du Brésil à Surinam les premiers plants de cacao ; cependant, ce n’est qu’en 1733 que le cacao de la colonie fut expédié dans la Métropole. » Quoi qu’il en fût, des colons juifs aménagèrent les premières plantations dans les années 1680. « Aujourd’hui […] cet article laisse un plus grand bénéfice aux Surinamois qu’aucune autre denrée de leur païs. » indiquait le Traité Général de Commerce de Samuel Ricard en 1781. Cette colonie hollandaise vit, de fait, ses exportations de cacao vers Amsterdam doubler entre 1750 et 1774. Et il en résulta un vif engouement des Pays-Bas pour le chocolat. À cette époque, note le capitaine John Gabriel Stedman lors d’un séjour dans cette colonie multiculturelle (1772-1777), le travail dans les plantations reposait sur les esclaves africains, dans un climat de violence et de cruauté (1).
(1) Bien que cet officier d’origine anglo-hollandais (1744-1797) n’était pas antiesclavagiste, son ouvrage (Narrative, of a five years’ expedition, against the revolted Negroes of Surinam, in Guiana, on the wild coast of South America; from the year 1772 to 1777 : elucidating the history of that country and describing its productions… with an account of the Indians of Guiana & Negroes of Guinea, 1796) devait constituer un précieux témoignage pour les premiers abolitionnistes. Cet ouvrage fut illustré par William Blake.
« C’est de caraque qu’est venu le cacaoyer cultivé à Surinam. Il est à remarquer qu’il offre la même variété d’espèces [qu’en Guyane française], et que celui qu’on estime le plus dans cette Colonie voisine, et pour la beauté des arbres et pour le produit, est aussi cette espèce dont les cabosses sont un peu plus fortement rehaussées en côtes de melons ; elles sont toujours au nombre de dix. / Leur cacaoyer paraît être le même que le nôtre : c’est à une culture plus soignée, qu’on peut attribuer la beauté des arbres, de leurs plantations et de leurs fruits, qui sont parfaitement semblables dans les proportions de leur forme ovoïde. » Ainsi l’ingénieur suisse Jean Samuel Guisan décrivait-il, au début du XIXe siècle, le cacaoyer de la Guyane néerlandaise. Les exploitants se partageaient alors entre plusieurs cultures. On n’y voyait pas, comme en Guyane française, des habitations cultivant uniquement le cacao. Pourtant, on aimait à le consommer en chocolat — « On cultive à Surinam depuis plusieurs années le Cacao avec beaucoup de succès, & on y fait aussi de l’excellent chocolat », écrivit le médecin-botaniste Philippe Fermin en 1765. Le Cacao de Surinam, produit en Guyane hollandaise, est, observe l’encyclopédie de Jules Trousset, « en gros grains arrondis, à pellicule blanchâtre et poudreuse, à chair gris-brun ou noirâtre, à saveur amère. » Sa fève ressemblait quelque peu à celle de Trinidad. La plus grande partie de la production était expédiée en Amérique du Nord, une petite partie allait en Allemagne via la Hollande (166,4 tonnes en 1897).
1906 - Séchoirs à cacao en Guyane Hollandaise
Photos extraites de l'album Souvenir de Voyage (part 1), sur la vie de la famille Doier dans leur plantation entre 1906 et 1913
Toutefois, la situation allait évoluer. La production, qui s’éleva à plus de 4 000 tonnes dans les années 1890, régressa considérablement entre 1894 et 1903. Au tournant du XXe siècle, le pays comptait plus d’une centaine de plantations, en majeure partie consacrées au cacao et toutes situées sur le sol alluvionnaire des rives du Surinam et d’autres cours d’eau. Le café n’étant plus rentable, compte tenu de son prix peu élevé, les paysans se tournèrent peu à peu vers le cacao. D’après Paul Preuss (1902), les variétés implantées, de qualité moyenne, étaient : le Surinam, fourni par l’amelonado de Trinidad, que les planteurs appelaient aussi porcelaine ; l’Alligator, variété connue à Trinidad et au Venezuela sous l’appellation cundeamor ; et le Caracas, sans rapport, en dépit de son nom (mal choisi), avec le criollo vénézuelien — « Elle est plutôt identique à ce cacao de moindre valeur, du Vénézuela, que l’on désigne sous le nom de Carupano, et au Forastero de Trinidad ». Mais la mise en place de cette culture impliquait d’importants travaux de défrichement (abattage de la forêt vierge), de drainage (en raison du sol glaiseux et imperméable) et de terrassement — notamment, des digues, pour éviter qu’en période de grande marée, l’eau fluviale n’envahisse les plantations. Les voies terrestres étant rares, le transport du cacao se faisait en canots. En outre, maladies et parasites sévissaient. À la fin du XIXe siècle, le krullotenziekte commença à infester les plantations. En dépit des efforts faits par les Pays-Bas pour lutter contre cette maladie, la culture fut menacée d’une destruction complète. « Beaucoup de cultivateurs se trouvèrent ruinés et cédèrent leurs plantations à vil prix. Cependant, afin de prévenir une débâcle, le Gouverneur Lely avait préconisé une nouvelle culture et sollicité à cette fin l’appui du Gouvernement ; il s’agit de la culture intensive des bacoves (bananes) qui fut établie en 1805. » (Alexandre Lédi.) Le cacao, qui avait fait la prospérité des grands planteurs, céda ainsi place à la banane, dont le gouvernement encouragea vivement la culture. Une culture qui ne dura guère, car elle aussi frappée d’une maladie. Les planteurs se remirent à la culture du café, certains reprirent la cacaoculture. À la tête de la colonie à partir de 1920, le Baron van Heemstra aida les planteurs de cacao et de café par des avances de fonds. Mais le cacao appartenait déjà, en quelque sorte, à l’histoire…
Si le riz est aujourd’hui la culture principale, le cacao perdure, en infime quantité. Il en est encore un peu exporté par sa capitale Paramaribo. Quelques artisans fabriquent des tablettes de chocolat pour confectionner la boisson traditionnelle — diverses herbes entrent dans sa composition.
La production du Suriname s’est élevée à : 1 122 t (1878-1879), 1 765,174 t (1882-1883), 2 310 t (1890-1891), 4 456 t (1894-1895), 1 363 t (1900-1901), 2 224 t (1902-1903), 2 000 t (1909-1910), 162 t (1960-1961), 83 t (1970-1971), 75 t (1980-1981), 26 t (1990-1991), 8 t (2000-2001), 15 t (2010-2011).
1961 - 1985