Fagalde
(France)
Célèbre dynastie de chocolatiers basques. En 1763, Joannes Fagalde, originaire de Macaye, près d’Hasparren, commença son apprentissage de chocolatier chez Pierre Ezcurra, à Bayonne). Ayant ouvert en 1770 un atelier dans cette ville, rue du Port Neuf, il vit son entreprise tour à tour prospérer et traverser des turbulences, d’autant que la Révolution passa par là. À sa mort (1798), son fils Jean-Baptiste (1769-1820) reprit l’affaire. Mais, en 1817, celui-ci choisit de s’établir à Bordeaux, cours de Tourny, et, trois ans plus tard, il décéda. Sa veuve devait poursuivre la fabrication jusqu’en 1828.
Parallèlement à cette branche de Bayonne, qui s’étiola rapidement, celle de Cambo-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques) s’avéra d’une grande importance pour le Pays Basque. C’est en 1787 que cette station thermale, sise sur la Nive, accueillit un nouveau « faiseur de chocolat », venu de Hélette où il travaillait pour un chocolatier ; Jean Fagalde (1748-1803), autre fils de Joannes Fagalde, arriva à Cambo, selon l’usage du temps, en conduisant, avec sa femme, un âne chargé de ses deux jeunes enfants et de sa pierre à chocolat. Son fils aîné, Jean (1777-1857), allait devenir le premier chocolatier industriel de la région et, appelé à un mandat municipal, jouer un rôle important dans l’essor de la commune — notamment, il fut fermier de l’établissement thermal de Cambo, inauguré en 1821, et cette exploitation contribua à la fortune de la famille*. Avec son fils cadet Pierre (1813-1901), commis à la fabrique, Jean constitua, en 1846, la société Fagalde père et fils, pour la fabrication et la vente du chocolat. Laquelle fut équipée, dès 1855, de machines à vapeur Hermann. Dans son ouvrage Cambo et ses alentours (1858)**, le chanoine César Duvoisin observe : « parmi les nombreux établissements de ce genre qui existent dans l’arrondissement de Bayonne, c’est le seul qui travaille sur une grande échelle, c’est aussi le seul qui ait su mettre à profit la force motrice si puissante de la vapeur, c’est lui également qui a principalement contribué à étendre, tout en la consolidant la réputation déjà fort ancienne et toujours croissante des chocolats de Bayonne. ». La maison fut très renommée sous le Second Empire ; elle il se vit attribuer le brevet de « Fournisseur de Sa Majesté l’Empereur des Français », suite à la visite de Napoléon IIIi et de l’impératrice Eugénie en 1856. Sa réputation ne cessa de croître… L’entreprise, qui avait pour devise Fortitudo mea civium fides, ouvrit des magasins de vente à Bordeaux, Pau, Paris et Biarritz. Avec « 25 médailles à diverses expositions nationales et étrangères », « la Maison Fagalde fondée en 1787 est la première qui a valu au chocolat de Bayonne sa réputation universelle », proclamait, à la fin du XIXe siècle, la publicité « Chocolat Fagalde - Cambo - Bayonne ».
À la mort de son fondateur, Pierre prit les rênes de l’affaire. Par ailleurs, il exerça les fonctions de maire pendant plusieurs années. L’ouverture, en 1891, d’une ligne de chemin de fer Bayonne-Cambo facilita le transport des matières premières et, en favorisant le tourisme, contribua à l’essor de la clientèle de la chocolaterie qui attirait nombre de visiteurs. Pierre Fagalde la dirigea jusqu’à sa mort, en 1901. « Nous avons appris avec de grands regrets, la mort de M. Pierre Fagalde, ancien maire de Cambo, presque fondateur de la joli station Pyrénéenne où sa verte vieillesse faisait l’admiration des étrangers habitués depuis de longues années à rencontrer ce beau vieillard droit comme un jeune homme et dont les longs cheveux blancs encadraient si bien le visage au type basque. Monsieur Fagalde était un négociant connu du monde entier, il avait le premier introduit les outillages mécaniques pour la fabrication du chocolat, produit si renommé de Cambo. », pouvait-on lire dans un journal régional (Biarritz Thermal et Biarritz Salin).
Il convient de noter qu’à la toute fin du XIXe siècle, en hommage au dramaturge Edmond Rostand qui avait décidé de s’établir à Cambo-les-Bains et d’y faire construire sa résidence Arnaga, Pierre Fagalde avait créé deux bonbons de chocolat : Le Rostand et Le Chantecler. Parmi les autres articles de sa production : Le Petit Basque, Le Biarritz, chocolat fondant, Le Chocolat au lait des Pyrénées et Les Avelines, chocolat à la noisette. Reprise par son fils aîné, Jules (1852-1938), qui hérita de son père des droits sur trois sources*** et fut lui aussi maire de la station, la maison Fagalde fut cédée en 1911 à H. de Laborie, de Biarritz, qui lui garda son enseigne Fagalde****. Puis, en 1938, l’usine ayant cessé son activité, son matériel et ses machines furent rachetés par la société Noblia, qu’avait fondée, en 1863, Pascal Noblia, ancien ouvrier de Pierre Fagalde.
Quant à la branche de Hélette, elle comporta quelques chocolatiers, comme les frères Jean-Baptiste Fagalde (1781-1864) et Bertrand Fagalde (1786-1839). Le fils de ce dernier, Jean-Baptiste (1826-1882) travailla comme son père pour la maison Aguerrebéhére.
* L’établissement allait être repris par la commune de Cambo en 1872.
** Édition originale : 1852. Complété, le livre fut réédité à Bayonne (chez Vve Lamaignère-Teulières) en 1858.
*** Il commercialisa, d’autre part, une autre source, la Source La Tuile, qui rencontra un vif succès dans les hôtels de la côte.
**** Jules Fagalde n’avait pas de descendant.
La publicité
La chocolaterie Fagalde de Cambo édita quelques chromolithographies.
À Cambo, au milieu du XIXe siècle
« […] la fabrique de MM. Fagalde père et fils à Cambo jouit d'une confiance générale et méritée. Un choix rigoureux des matières premières, une fabrication habile, une réputation de probité qui ne s'est jamais démentie, lui ont conquis les suffrages des amateurs de chocolat, et les fins connaisseurs louent l'agréable parfum et l'exquise délicatesse de ses produits. Les pastilles qu'elle fait, pralinées ou à la crème, sont fort recherchées des dames.
Voici à cette occasion, une petite anecdote arrivée tout dernièrement. Le juge de paix des Landes, qui est venu à Cambo pour se défaire des fièvres intermittentes, et avec lequel j'ai de fréquentes relations, se trouve, comme le chevalier de Cauna et moi, logé chez les MM. Fagalde. Ayant eu connaissance du rapport dont je vous ai parlé plus haut*,il nourrissait de fortes préventions contre cette substance alimentaire. Aussi avait-il soin de se rendre journellement dans la fabrique, afin de s'assurer par lui-même de la nature des matières employées et des procédés en usage. Après qu'il se fut parfaitement éclairé sur ce qui s'y passait : — “ Je suis, me dit-il un jour, tout à fait converti au chocolat. — Comment ? est-ce que vous ne l'étiez pas déjà ? — Oh ! non, tant s'en faut, je vous l'assure ; mais je vois ici une hnnêteté de fabrication vraiment admirable, et que je n'aurais jamais supposée. ” Ces dernières paroles me frappèrent, et je vous les rapporte textuellement.
Au reste, le juge de paix, qui est en même temps membre du conseil général des Landes, et qui a appris, à ses dépens, à user avec modération des eaux minérales, n'a plus d'accès de fièvre ; il se flatte d'avoir réussi à se débarrasser complètement de l'ennemi domestique qui lui minait la santé ; je désire bien qu'il soit en effet désormais à l'abri de ses attaques. »
C. Duvoisin, Cambo et ses alentours**
* Rapport fait par un membre de l'Institut sur les falsifications dont est alors victime le chocolat.
** Bayonne, 1858. Première édition : 1852.
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