Brésil

 

 

Jusqu’au dix-huitième siècle, l’économie brésilienne s’appuiera sur le sucre, le tabac,

et ce troisième flatteur du palais européen dont la mode commence à se répandre : le chocolat.

Stefan Zweig, Brésil, terre d’avenir

 

C’est d’Ilhéus que partait pour Bahia presque toute la production du Sud de l’État.

[…] Les habitants d’Ilhéus rêvaient d’exporter directement le cacao sans être obligés de passer par Bahia.

Jorge Amado, Terre violente

Le plus vaste des pays d’Amérique du Sud, bordé par l’océan Atlantique, fut naguère le deuxième producteur mondial de cacao derrière le Ghana, puis derrière la Côte-d’Ivoire (en 1984). Bahia et Ilhéus s’imposèrent comme les deux grands ports d’embarquement du cacao. Aujourd’hui, le marché brésilien du chocolat est le plus dynamique d’Amérique latine, et le sixième en importance dans le monde. Ce pays est le principal fournisseur de cacao courant (bulk) à destination des États-Unis.

À partir de la seconde moitié XVIIe siècle, le Brésil, possession portugaise depuis sa découverte par Pedro álvares Cabral (1500), organisa et développa une culture cacaoyère en Amazonie, où des cacaoyers sauvages avaient été repérés par un jésuite espagnol, en 1641, dans la forêt, près du port fluvial de Belém do Pará. Toutefois, faute de débouchés, le cacao brésilien mit plusieurs décennies avant de s’imposer. Il était, néanmoins, fort apprécié. Henry Jumelle relate que « en 1739, le cacao était au Pará, avec le coton, la monnaie courante. Un ordre royal, adressé à cette date au capitaine général gouverneur, mandait que la récolte, depuis la rivière Yari jusqu’au Cap Nord, devait être réservée au payement des uniformes de l’infanterie. » Ce n’est qu’à partir du milieu des années 1740 que la production atteignît 1 300 tonnes (contre 300 tonnes en 1730), avant de se stabiliser autour de 1 000 tonnes au début des années 1780. Quelques pieds prélevés dans cette région du Pará et transportés vers 1780 dans la province de Bahia y furent le point de départ des plantations qui allaient contribuer à l’essor cacaoyer brésilien (voir plus bas). Sous le règne de Joseph ier (1750-1777), dont il fut le principal ministre, le marquis de Pombal (1) entreprit la rénovation de l’économie portugaise. Soucieux d’écarter les Anglais du commerce avec le Brésil, il mit en place deux compagnies à monopole, la Companhia do Grão Pará e Maranhão (1755) (2) et la Companhia de Pernambuco e Paraiba (1759), mais il semble que ces monopoles n’aient que peu concerné le cacao. Néanmoins, au tournant des années 1780, celui-ci allait bénéficier de la politique commerciale de libre-échange instaurée à partir des années 1770, du développement économique et de l’importation de main-d’œuvre servile originaire de l’Angola. La production amazonienne reprit sa croissance.

(1) En 1759, il expulsa la Compagnie de Jésus du Portugal et de son empire. En 1775, il abolit l’esclavage des Indiens. Un superbe portrait de lui, par Van Loo (1707-1771), le montre assis, des cartes géographiques étalées à ses pieds, et désignant de la main gauche l’arrière-plan du tableau, soit l’ouverture du Portugal sur l’océan et les bateaux qui relient le pays à ses lointaines colonies (Museu da Cidade, de Lisbonne).

(2) Sa charte fut révoquée par la monarchie portugaise en 1778.

Au XIXe siècle, où le pays accéda à l’indépendance (1822), le plus connu des cacaos brésiliens était le cacao Maragnan, aussi appelé Maragon ou Maranham, de type forastero, provenant de la région du cours supérieur de l’Amazone. Il n’était pas terré et présentait une saveur faible. Dans les années 1870, l’encyclopédie de jules Trousset le décrit ainsi : « à grains allongés, un peu aplatis, arrondis du côté de l’embryon et pointus à l’autre, à pellicule d’un gris roussâtre, peu facile à détacher du fruit ; l’amande en est brun-clair quand elle est mûre, violette ou vert foncé quand elle est peu mûre ; dans ce cas, elle est acerbe. Ce cacao nous arrive quelquefois avarié. » Les exportations annuelles de Maragnan progressèrent lentement de 1 800 - 2 000 tonnes jusqu’à 4 000 tonnes et un peu plus à partir de 1870. Au tournant du xxe siècle, la France recevait beaucoup de Para-Maragnan, nous dit Henry Jumelle. « Le prix sur le marché du Havre, en mars 1899, était de 100 à 103 francs les 50 kilogrammes, et, en juillet, de 90 à 92 francs. » Mais, peu à peu, les cacaoyères amazoniennes allaient être délaissées au profit de l’engouement pour le caoutchouc exploité dans cette même forêt amazonienne.

Par ailleurs, au XVIIIe siècle, la culture cacaoyère avait été introduite dans la région de Bahia, au sud-est de cette ville, par un marchand français, Louis Frédéric Warneaux, qui, en 1746, apporta des graines de type amelonado (3) de la région de Pará et les confia à un planteur de Cubículo de Almado, sur les rives du río Pardo — au xixe siècle, le cacao de Pará, produit au nord du Brésil, n’était pas terré ; il était plus gros, plus allongé et d’un rouge plus vif que le Maragnan. L’extension progressive des cacaoyères au sud de Bahia et le long du littoral fut favorisée par l’établissement de colons allemands dans cette partie du pays. Elle puisa sa main-d’œuvre, après l’abolition de l’esclavage (1888), parmi les ouvriers noirs des plantations sucrières, qu’attira l’« or » cacao. Sa production était exportée vers les États-Unis et en Europe (Allemagne, Angleterre, Pays-Bas). Devenue la grande région cacaoyère, la Costa do Cacau (« Côte du Cacao »), dont la forêt atlantique se prêtait particulièrement à cette culture, s’étendait du río Jequirica (au nord) au río Mucury (au sud), sur 650 km de long et 120 à 150 km de large. L’histoire de sa principale ville, Ilhéus, est liée à celle de l’économie brésilienne au xixe siècle, en un temps où le cacao dominait les échanges du pays avec l’Europe. Au xixe siècle, le Bahia, pour reprendre la description qu’en donne le docteur Georges Pennetier, « a les fèves arrondies ou aplaties et irrégulières. La pellicule est lisse, veinée ordinairement de rouge sur fond plus terne ; la chair est violacée ou rouge ardoisé et possède un goût de fumée. Ce cacao, dont l’Angleterre reçoit de grandes quantités, est d’une qualité médiocre. » (Leçons sur les matières premières organiques, 1881.) De fait, le Bahia était réputé très amer, voire âcre, et une fermentation nécessaire lui fut appliquée, qui permit de l’améliorer et de le compter parmi les cacaos moyens, d’un emploi acceptable. Il se vendait de 86 à 87 francs les 50 kilogrammes en mars 1899. En 1915, Paul Zipperer observe que le Bahia est récolté dans les trois districts d’Ilhéus, de Belmonte et de Canavieiras et qu’Ilhéus fournit les deux tiers de la récolte globale, en produisant la variété inférieure (fair fermented), alors que Belmonte et Canavieiras fournissent un cacao superior fermented. La production de ces districts atteignait alors quelque 33 500 tonnes, exportées vers les États-Unis (un quart), l’Allemagne, la France et la Suisse. Tandis que le cacao de Para, produit en Amazonie, peinait à donner quelque 5 000 tonnes par an ; la France en était le principal consommateur.

(3) D’après Allen M. Young, ces graines provenaient probablement d’amelonados originaires de Guyane.

Après la Grande Guerre, cette région cacaoyère de Bahia, qui comptait une multitude de petites plantations couvrant au total 450 000 hectares, vit la concentration de celles-ci en de grandes propriétés (fazendas), lesquelles, à la fin des années 1930, assuraient les deux tiers de la production annuelle. Le romancier Jorge Amado a admirablement décrit ce Bahia du cacao, où il est né et qu’il a baptisé La terre aux fruits d’or, au moment de son plein essor. Les exportations doublèrent quasiment entre 1914 et 1929. « Ilhéus […] était le cinquième port exportateur du pays, il expédiait tout le cacao de Bahia, 98% de tout le cacao du Brésil, une bonne partie du cacao produit dans le monde entier. » (La terre aux fruits d’or.) L’effondrement des cours, en 1929, et la crise qui s’ensuivit amenèrent l’Estado Nôvo du président Getulio Vargas, pourtant peu favorable aux grands propriétaires fonciers, à prendre des mesures pour inciter les producteurs à poursuivre leur activité au Brésil. 1931 vit la création de l’Istituto do Cacau da Bahia, consacré aux recherches en matière de techniques culturales, mais qui faisait aussi office de caisse de stabilisation des cours. À la veille du second conflit mondial, les exportations annuelles atteignaient 126 000 tonnes. Toutefois, au lendemain de la guerre, la production allait stagner pendant vingt-cinq ans. Le vieillissement des cacaoyères se fit inquiétant. Le gouvernement fédéral intervint en 1957 avec un plan de relance de la cacaoculture, placé sous le contrôle de la CEPLAC (Comissão Executiva do Plano de Recuperação da Lavoura Cacaueira), commission exécutive aux nombreuses fonctions, qui prit sous sa coupe l’Istituto do Cacau da Bahia — les statuts de celui-ci allaient être modifiés en 1975. Mais il fallut attendre les années 1980 pour que se dessinât un rajeunissement notable des plantations. De ce fait, le rendement s’accrut considérablement : 750 kg/ha au début des années 1980, contre 300 kg/ha en 1963-1964. Et la production s’en ressentit… Résultat, toutefois, insuffisant pour un pays aux dimensions du Brésil, cette production cacaoyère ne constituant que 2 % des exportations.

Une restructuration de la CEPLAC (4), puis un plan (1976) visant à relancer la cacaoculture dans l’État de Rondônia, sis aux confins de l’Amazonie et bordé par le rio Guaporé, tentèrent de développer l’économie cacaoyère. Mais, en 1989, les ravages dus à la maladie du balai de sorcière (vassoura bruxal) dans la région de Bahia, qui concentrait 90 % des plantations, firent considérablement régresser la production. Le pays resta, néanmoins, le premier des producteurs d’Amérique latine. Au début des années 2010, il conservait la majeure partie de sa production et importait même des fèves pour répondre à sa consommation. En s’élevant à quelque 101 000 tonnes, la récolte principale octobre 2010 - avril 2011 fut supérieure de 45 000 tonnes à la précédente. Cette nette progression s’explique, notamment, par un entretien adéquat et la baisse du coût des fertilisants. L’État de Bahia s’emploie activement à la restauration de la production de cacao. la société agricole cantagalo ltda, créée en 1973 par angelo calmon de sá et qui compte quinze exploitations au sud-est de cet état, sur 2 140 hectares, serait le plus gros producteur brésilien, avec 960 tonnes par an — son objectif : atteindre 2 670 tonnes.

(4) Aujourd’hui, cet organisme de recherches, dont le laboratoire se trouve à Bahia, couvre des directions régionales dans les États de Bahia-Espirito Santo et Pará.

1980

Au Brésil, plus de 3 millions de personnes dépendent du cacao. Le cacao est au cœur de l’économie de quelque cent municipalités dans l’État de Bahia, où il est cultivé dans environ 29 000 exploitations, sur une superficie globale de 700 000 hectares. les conditions littorales de cet État favorisent la culture des variétés traditionnelles de forastero (parazinho, marañao, etc.) et des variétés résistantes de trinitarios, implantées depuis 1996 pour endiguer la prolifération du balai de sorcière, grâce aux efforts conjugués des centres de recherches cepec, cirad et uesc. Les nouvelles variétés de trinitarios présentent l’intérêt d’être bien plus floraux et moins taniques que le forastero. Depuis les années 2000, cet élan collectif a permis aux producteurs de développer des techniques agronomiques efficaces, et de se retrouver dans un objectif commun : les cacaos fins. Par ailleurs, dans les années 2000, l’I.C.C.O. lança un projet dit « cacao cabruca », visant à développer un système de cacaoculture durable et rentable pour les agriculteurs — projet fondé sur le système agro-forestier traditionnel du brésil combiné avec l’exploitation du bois et avec d’autres cultures.

Le cacao et la forêt brésilienne

 

S’étant installé au Brésil en 1940 pour fuir le désastre en Europe, l’écrivain autrichien Stefan Zweig publia, l’année suivante, Brésil, terre d’avenir, sorte de journal de voyage qui donne un excellent aperçu de l’histoire et du présent de ce pays. Il ne consacre, toutefois, que quelques lignes « au troisième des rois du Brésil, le cacao » (derrière le sucre et le tabac), parce que, écrit-il, « je n’eus pas la possibilité de lui rendre ma visite protocolaire. Car le cacao préfère les zones humides et chaudes, sous le couvert de la forêt vierge, où il trouve l’épaisse chaleur de serre si propice à sa croissance, et si peu faite pour nous, tandis que des myriades de moustiques tissent leurs nuages au-dessus de lui. Mais à l’“ Instituto do Cacao ”, sa résidence en ville, j’ai pu suivre le processus de la croissance d’un cacaoyer. » Il est important de noter qu’à l’heure actuelle, 95 % de la forêt brésilienne originelle ont disparu sous la pression urbaine, ainsi que suite à l’essor de l’élevage et de la progression des cultures de canne à sucre et d’eucalyptus. Or, ce couvert forestier à feuilles permanentes (mata) abrite les plantations de cacao, érigées en rempart contre la déforestation par l’UNESCO. Dans la biosphère de la mata-atlantica (État de Bahia), qui possède une des plus grandes biodiversités au monde, la culture du cacao permet ainsi de protéger la forêt.

Le cacao brésilien

 

Fermenté dans cochos, contenants de bois percés de trous, et séché sur une barcaça, structure à toit mobile, le cacao brésilien, d’une teneur élevée en matière grasse, convient aux assemblages avec d’autres crus. Parmi les forasteros, au goût puissant, certains sont plus aromatiques, tel le Maragnan. « Ce cacao, un des meilleurs, est le plus employé, il est doux, sans amertume et se prête à toutes les compositions », observait Léon Arnou, au début du XXe siècle. La modeste production actuelle de Maragnan s’explique à la fois par un faible rendement à l’hectare et par sa fragilité (peau fine). Le cacao fin est un trinitario plus léger, plus floral et moins tanique que le forastero.

L’Associaçao dos Profissionais do Cacau Fino & Especial (APCFE), dont le siège est à Ilhéus et qui réunit producteurs, scientifiques, négociants, chocolatiers et même pâtissiers, a pour vocation de produire du cacao fin aromatique d’origine contrôlée et de promouvoir une origine « Brasil ». elle assure une vérification rigoureuse des fèves à chaque étape de la production, et ce jusqu’à leur transformation en pâte de chocolat, exportée vers l’Europe notamment. En 2006, cette association concernait déjà près de 300 producteurs, sur 70 000 km2 répartis entre l’état de Bahia et l’état d’Esperito Santo.

La consommation brésilienne

 

Le Brésil est un des rares pays producteurs qui soit aussi consommateur. Le fait n’est pas nouveau. Déjà, lors de l’Exposition Universelle d’Anvers, en 1885, le pays exposa du chocolat. « Le sucre et ses dérivés, tels que les produits de la confiserie, les sirops, les liqueurs sucrées et les chocolats, avaient de nombreux exposants dont les principaux, l’Usine Centrale de San-Pedro de Maranham, MM. Lopes & Cie de Pernambouc, Eugenio Marques de Hollanda à Rio-de-Janeiro, Freire d’Aguiar et A. Bhering de la même ville, ont eu des médailles d’argent pour les produits précités », lit-on dans le compte-rendu de René Cornelli et Pierre Mussely (1886). Certes, le chocolat ne devait-il occuper qu’une place secondaire dans la vitrine. Mais les Brésiliens transformaient le cacao. Depuis lors, cette industrie s’est développée. De 450 g en 1970, la consommation annuelle de chocolat per capita a progressé jusqu’à 1,77 kg en 2003. Elle reste, toutefois, faible, même si le pays s’est peu à peu doté, au cours du XXe siècle, d’une industrie chocolatière relativement importante — elle produisit 336 000 tonnes en 2002. Les principales chocolateries sont : Florestal Alimentos, groupe (5) établi à Lajeado (Rio Grande do Sul) et qui absorba en 2002 la chocolaterie Neugebauer & Irmãos (créée en 1891 à Porto Alegre par des Allemands, les frères Franz et Max Neugebauer) ; Chocolates Garoto, firme fondée en 1929 par l’Allemand Henrique Meyerfreund à Vita Velha (Espirito Santo) et qui fut reprise en 2002 par Nestlé. Située à linharès, au cœur de la troisième région cacaoyère du pays, l’entreprise floresta do rio agroderivados fut la première usine brésilienne à se lancer, en 2010, dans le chocolat d’origine, avec une capacité de traitement initiale de 2 500 tonnes de fèves par an. sa fabrication de chocolat comporte les marques vitto et norcau, ainsi que, depuis 2011, les chocolats du groupe Puratos (6) chocolanté et carat.

Les besoins locaux sont supérieurs à la production, le Brésil importe donc du cacao de Côte-d’Ivoire et d’Indonésie. Mais le pays exportant aussi des produits semi-finis, il est peu aisé de savoir avec quels cacaos ceux-ci ont été fabriqués.

(5) Au point de départ de ce groupe : la confiserie Balas Florestal.

(6) Le groupe acquit la majorité des parts de cette société brésilienne en 2011.

La saga des « colonels du cacao »

 

L’attrait qu’exerça longtemps le cacao, par la richesse et la puissance qu’il pouvait apporter, n’est pas sans évoquer la ruée vers l’or. Du moins au Brésil, dans le sud de l’état de Bahia, là où à la forêt vierge vinrent se substituer les cacaoyères. C’est dans l’œuvre de Jorge Amado que nous sont sans doute le mieux dépeints le défrichage de ces terres peu accueillantes et l’implantation de la « civilisation du cacao ».

L’écrivain brésilien naquit, en effet, en 1912 dans une plantation, Auricidia, près de Ferradas, dans le municipe d’Itabuna, et son enfance devait rester liée au cacao. Ruinés à la suite d’une crue du rio Cachoeira en 1914, qui emporta, avec elle, maison, plantations et animaux, ses parents parvinrent à reconstituer un pécule suffisant « pour à nouveau partir à l’assaut des forêts incultes, ouvrir des chemins, planter des arpents de cacao. » Ce nouveau lieu de vie allait être le hameau de Pirangi, à Tararanga, un hameau naissant appelé à se développer jusqu’à devenir la ville d’Itajuipe. « […] C’était déjà une longue rue où des maisons d’habitation se mêlaient aux entrepôts pour le stockage du cacao. » Les aventuriers y affluèrent, en quête de « la richesse du monde », « gens sans foi ni loi, rebelles à tout ordre ». Sur les traces de Cacao, roman publié en 1932 et auquel l’écrivain dut une rapide popularité au Brésil, L’Enfant du cacao (« O Menino grapiuna ») dresse, à travers les souvenirs d’enfance de l’auteur, un tableau à la fois poétique et impitoyable de cette région où seul l’appât de l’argent facile justifiait qu’on se fît grapiuna — ainsi étaient surnommés les habitants du pays du cacao. Nature hostile, habitée de serpents venimeux et infestée de maladies, où variole noire, paludisme, fièvre maligne et autres épidémies décimaient les populations. Univers de violence, où les riches propriétaires terriens, dits « colonels » de par les patentes de colonel qu’ils avaient obtenues au XIXe siècle, étaient à la constante merci de bandes armées.

Dans cette enfance « faite de terre violée, d’hommes en armes dans un monde primitif d’épidémies, pestes, serpents, sang et croix le long des chemins » Les Terres du bout du monde (« Terras do sem fin », 1942) prennent leurs racines. Le ton devient celui de la fiction. Mais le contexte demeure celui de ce mirage fait d’espoirs et de désillusions. « Des hommes qui étaient partis auparavant écrivaient que là-bas l’argent était facile, il suffisait d’obtenir un grand lopin de terre et d’y planter un arbre que l’on appelait cacaoyer qui donnait des fruits couleur d’or qui valaient plus que de l’or. La terre était disponible pour les nouveaux arrivants et n’appartenait à personne, elle serait à celui qui aurait le courage de défricher la forêt, faire des brûlis, planter du cacao, du maïs et du manioc, de vivre pendant quelques années de farine et des produits de chasse, en attendant que le cacao fructifie. Ensuite c’était la richesse, plus d’argent qu’un homme ne pouvait en dépenser, une maison en ville, des cigares et des bottes de cuir craquantes. De temps en temps on apprenait qu’un tel était mort d’une balle ou de la piqûre d’un serpent ou poignardé ou tombé dans une embuscade. Mais que pèse la vie comparée à tant d’abondance ? » Sans doute la région était-elle généreuse. Sans doute cette culture récente, appelée à un immense avenir, ouvrait-elle des horizons de richesse et de bonheur. Mais que d’efforts pour conquérir la « forêt-dieu » ! « Elle se dresse devant les hommes, elle est le passé et le commencement du monde. Ils lâchent les machettes, les haches, les faucilles, les scies, il n’y a plus qu’un chemin, celui du retour. » Et, lorsque l’on avait réussi à faire reculer la forêt et à établir une plantation de cacaoyers, la vie dans les fazendas était rude et pénible. Il fallait attendre trois à cinq ans avant que « l’arbre béni » ne donnât ses premiers fruits. Alors seulement se dessinait l’espoir d’une vie meilleure… « Il naissait des fruits énormes, les arbres étaient chargés depuis les troncs jusqu’aux plus hautes branches de cabosses d’une taille jamais vue ; cette terre arrosée de sang était la meilleure terre au monde pour planter le cacao. »

Brésil : production de cacao

en milliers de tonnes

 

1893-94                         10,148

1894-95                         10,846

1895-96                         10,554

1896-97                         12,853

1897-98                         12,943

1898-99                         15,559

1899-1900                     16,916

1900-01                         18,323

1901-02                         22,370

1902-03                         21,738

1903-04                         23,000

1904-05                         21,000

1905-06                         25,135

1906-07                         24,528

1907-08                         32,956

1908-09                         34,000

1909-10                         29,000

1910-11                         36,250

1911-12                         30,000

1912-13                         29,000

1913-14                         40,800

1914-15                         45,000

1915-16                         43,700

1916-17                         55,600

1917-18                         41,900

1918-19                         63,000

1919-20                         67,000

1920-21                         36,000

1921-22                         59,000

1922-23                         57,000

1923-24                         68,000

1924-25                         59,000

1925-26                         72,000

1926-27                         71,000

1927-28                         73,000

1928-29                         64,000

1929-30                         69,000

1930-31                         64,000

1931-32                         98,000

1932-33                      100,000

1933-34                        84,000

1934-35                      104,000

1935-36                      126,000

1936-37                      116,000

1937-38                      140,000

1938-39                      139,000

1939-40                      120,000

1940-41                      131,000

1941-42                      138,000

1942-43                      114,000

1943-44                      125,000

1944-45                      109,000

1945-46                      140,000

1946-47                      105,000

1947-48                        84,000

1948-49                      145,000

1949-50                      150,000

1950-51                      155,000

1951-52                       56,000

1952-53                      142,000

1953-54                      166,000

1954-55                      142,000

1955-56                      171,000

1956-57                      163,000

1957-58                      164,000

1958-59                      175,000

1959-60                      201,000

1960-61                      155,901

1961-62                      140,363

1962-63                      143,495

1963-64                      153,685

1964-65                      160,823

1965-66                      172,900

1966-67                      194,692

1967-68                      149,338

1968-69                      211,162

1969-70                      197,061

1970-71                      218,701

1971-72                      221,469

1972-73                      195,916

1973-74                      242,400

1974-75                      281,887 

1975-76                      231,796

1976-77                      249,755

1977-78                      284,490

1978-79                      336,326

1979-80                      319,141

1980-81                      335,625

1981-82                      351,149

1982-83                      380,256

1983-84                      329,903

1984-85                      430,789

1985-86                      459,477

1986- 87                     328,740

1987-88                      374,491

1988-89                      392,184    

1989-90                      256,246

1990-91                      320,967

1991-92                      328,518

1992-93                      340,885

1993-94                      330,577

1994-95                      296,705

1995-96                      256,777

1996-97                      277,966

1997-98                      280,801

1998-99                      205,003

1999-20                      196,788

2000-01                      185,662

2001-02                      174,796

2002-03                      170,004

2003-04                      196,005

2004-05                      208,620

2005-06                      212,270

2006-07                      201,651

2007-08                      202,030

2008-09                      218,487

2009-10                      235,389

2010-11                      248,524

2011-12                      220,00

2012-13                      195,00

 

(Source : FAO.)

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