Félix Potin

(France)

Epicier et chocolatier

 

Cette chocolaterie française naquit de la volonté de Jean-Louis-Félix Potin (1820-1871), fils d’un cultivateur d’Arpajon, destiné au notariat, de devenir épicier à Paris, puis de fabriquer ses propres produits. Celui-ci loua en 1844 sa première boutique au 28 rue Neuve-Coquenard (auj. rue Rodier), artère animée du neuvième arrondissement. Son mariage avec Céline Miannay, fille d’un fondeur de la rue des Gravilliers, qui, comme lui, apporta dix mille francs au ménage, lui permit de débuter son entreprise. Certes, il ne disposait pas des moyens financiers correspondant à ses visées ambitieuses, mais, s’inspirant des méthodes appliquées dans les premiers Grands Magasins de nouveautés, alors en plein essor, il s’appuya sur trois principes qui allaient lui apporter le succès : vente à bon poids, produits de qualité sélectionnés par lui-même et marge bénéficiaire réduite. Il faisait ses achats lui-même dans le quartier des Lombards, où fleurissait alors le commerce de gros et de demi-gros, et il revendait presque au prix coûtant. Il gagna peu, mais il acquit une réputation. Aussi, en 1850, s’enhardit-il à reprendre une épicerie plus importante rue du Rocher. Comme l’explique Maurice Allem(La Vie Quotidienne sous le Second Empire, 1948), « Un jour vient où le petit épicier peut acquérir, rue du Rocher, l’épicerie plus importante que tenait M. Bonnerot, qui avait aussi pratiqué la vente à bon marché. […] Il ne réalise pas de gros bénéfices, mais il gagne de l’argent. […] Lui et sa femme, sacrifiant tout à leur commerce, couchent dans une soupente. […] Il a maintenant l’ambition de fabriquer des produits qu’il a jusqu’alors achetés tout fabriqués. Il se fait, pour commencer, chocolatier et il s’y emploie lui-même. » Sept années durant, dans l’atelier qu’il avait installé au fond de sa cour, il fit fonctionner lui-même sa broyeuse à cacao. « Pour se rendre compte de la substance intime et de la confection de ses innombrables marchandises, il faudrait que l’épicier fût cuisinier, il faudrait qu’il fût chimiste. », disait-il (1). Il se soucia moins de donner à son couple une vie aisée que de mener à bien son projet. Première grande surface de commerce alimentaire, sur deux niveaux, la succursale du 95 boulevard de Sébastopol, à l’angle de la rue Réaumur, fut inaugurée en 1859.

(1) Cité par le vicomte G. d’Avenel, Le mécanisme de la vie moderne, 1906. Cet ouvrage consacre un long et intéressant développement à Félix Potin.

La firme connut dès lors un essor considérable. Elle ouvrit en 1861 sa première usine à La Villette (2), qui comportait fabrique de chocolat et de confitures, confiserie, biscuiterie, ateliers de torréfaction de café, chambres froides pour la viande achetée aux abattoirs voisins, etc. Elle inaugura en 1864 un autre lieu de vente au 47 boulevard Malesherbes (8e), acquit des entrepôts, organisa en 1870 un service de livraison à domicile (riche de 650 chevaux)… Félix Potin n’en resta pas moins fidèle à lui-même. Son absence de cupidité eut l’occasion de se manifester en 1870, après la capitulation de Sedan. À l’inverse de nombre de négociants qui se lancèrent dans la spéculation, Félix Potin refusa les offres qui lui furent faites et instaura une sorte de rationnement dans ses magasins. « Curieux spectacle que celui de cette foule stationnant avec patience aux portes de l’épicerie, dans l’espoir d’obtenir une boîte de petits pois, un morceau de gruyère ou une fraction de ce chocolat dont il était ainsi distribué soixante mille tablettes chaque jour. […] Les 2 millions de francs de marchandises, qui furent ainsi péniblement émiettées, auraient été vendues avec beaucoup moins de tracas 5 ou 6 millions ; le mépris d’une pareille différence semble assez peur ordinaire pour mériter quelque reconnaissance. » [Vicomte G. d’Avenel (3).] Or Potin fut considéré comme un « gâche-métier » par les autres commerçants et devint la cible d’attaques violentes. Et il ne put pas voir l’immense réussite à laquelle était vouée sa firme, car il mourut subitement en 1871 (4).

(2) Le site n’était pas choisi au hasard. À l’époque, le port de La Villette affichait un important tonnage. Les péniches partaient vers la province par le canal de l’Ourcq.

(3) Dans la Revue des Deux-Mondes, il consacre une grande partie de son article Le Mécanisme de la vie moderne (1er juillet et 1er octobre 1894, 1er janvier et 15 mars 1895) à l'histoire de la maison Potin (V, Les magasins d'alimentation).

(4) Il fut enterré au Père-Lachaise.

L’affaire passa alors sous le contrôle de sa veuve, puis de ses deux fils et de ses trois gendres. Tous fidèles à la politique de développement et d’innovation de son fondateur. La marque fut déposée en 1886. Le succès fut tel qu’au tournant du XXsiècle, la maison Félix Potin était « l’une des plus importantes et des plus réputées en France pour la fabrication du chocolat », nous apprend le rapport officiel de l’Exposition Universelle de 1900. L’usine de La Villette fabriquait alors 6 à 7 tonnes de chocolat par jour. Lequel se déclinait en chocolat de Santé (1 f. 20 le ½ kilo), chocolat de Qualité fine (1 f. 40 le ½ kilo) et chocolat Supérieur vanillé (1 f. 50 le ½ kilo).

Entre 1899 et 1910, la firme se dota de cinq immeubles à Paris — dont, en 1904, celui de la rue de Rennes (6e), première grande surface en béton armé, de six étages, du plus pur style Art Nouveau, somptueusement décoré, coiffé d’une coupole et orné sur sa façade de mosaïques dorées —, et elle ouvrit une deuxième usine route des Petits-Ponts, à Pantin, puis une autre à Saint-Denis — le personnel des usines Félix Potin allait passer de 1 800 personnes en 1906 à 8 000 en 1927. C’est à la fin des années 1920 que l’entreprise lança son « déjeuner du matin » Banika, « à base de cacao et de farine de banane, additionnés de principes alimentaires riches en vitamines ». En dépit de problèmes internes au début des années 1930, elle poursuivit une carrière florissante. Pour s’adapter, dès l’entre-deux-guerres, à la nouvelle demande d’un commerce de proximité, elle multiplia les points de vente, suivant une formule novatrice, aujourd’hui connue sous le nom de franchise. Parallèlement, elle pratiqua avec succès la vente par correspondance — ses catalogues sont désormais recherchés des collectionneurs. Mais, par delà, cette imposante structure, restée familiale, par delà « une organisation immense, mais équilibrée, d’achat, de fabrication et de vente », pour reprendre les mots que Jean Potin, petit-fils du créateur, prononça lors du centenaire de la maison, en 1944, c’est aussi « un groupe d’hommes au travail qui s’entraident les uns les autres ». Allocations familiales, prénatales ou viagères, primes de mariage… La firme ne négligea pas l’aspect social.

À la mort accidentelle de Jean Potin (1945), son épouse reprit les rênes de l’affaire et, moins tournée vers l’avenir que vers le passé (5), elle ne sut pas la gérer au regard d’un univers commercial en pleine évolution (multiplication des libres-services, création du discount par Édouard Leclerc, etc.). Le réseau de magasins se résorba peu à peu, comme une peau de chagrin ; leur nombre tomba à 40 en 1958. Une suite d’erreurs stratégiques déboucha sur la vente de la firme, en 1958, à un Grec, André Mentzelopoulos, négociant en céréales. Celui-ci s’attacha à redresser l’entreprise et à la développer — avec 1 350 magasins à Paris, elle devint le plus gros propriétaire privé immobilier de la capitale. Toutefois, ce renouveau n’eut qu’un temps, d’autant que la concurrence des grandes surfaces commençait à se faire sentir. Après sa mort (1980), l’enseigne déclina… Les reprises successives, sans ligne politique affirmée, s’accompagnèrent de la vente progressive des magasins parisiens. L’augmentation des prix pour pallier aux pertes financières entraîna la désertion de la clientèle. La préoccupation du fondateur « à bon poids, bon prix », qui avait fait sa fortune et sa célébrité, était tombée dans l’oubli… Et, en 1995, l’entreprise fut liquidée. En 2004, « la marque fut rachetée par une société de conseil en investissement, transformée en Félix Potin SA après sa fusion avec la Société nouvelle d’alimentation Philippe Potin, distributeur pour restauration collective et commerciale » (Jean-Michel Dumay) [6].

(5) Elle l’avoua dans un documentaire réalisé par un neveu, Philippe Kholy, La Chute de la maison Potin (1995).

(6) Le Monde magazine, 7 août 2010.

Notre enfance en était restée à Sisowath, dont on trouvait la photographie dans les images du chocolat Félix Potin (avec Petit-Breton, roi du vélocipède, Sarah Bernhardt, et Ménélik d’Abyssinie qui avait l’air d’une vieille dame coiffée d’un fichu noir).

Alexandre Vialatte

Chroniques de la Montagne

 

[…] à cette même heure, un flambant véhicule de la Compagnie des Autocars de Paris vogue sur l’avenue de l’Opéra en direction du Palais-Royal et de la rive gauche.

Confortablement assises dans les sièges en cuir et alignées telles les friandises assorties d’une bonbonnière de Félix Potin, trente personnes jouissent en silence du spectacle des rues et des places de Paris.

Konstantin Konstantinos et Svetoslav Minkov

Le cœur dans la boîte en carton

Inventaire après décès de Félix Potin, 11 août 1871. Arch. nat., MC/ET/XX/1113.

« Le 11 août 1871, Me Mouchet commence à dresser l'inventaire après décès de Jean Louis Félix Potin, " en son vivant négociant en produits alimentaires ”,

à la requête de sa veuve, Henriette Joséphine Miannay.
Outre les locaux du boulevard de Sébastopol, sont inventoriés les autres biens du défunt : une maison à Champigny-sur-Marne, achetée en 1868 ; du mobilier dans deux maisons louées, 41 rue du Grenier-Saint-Lazare et 49 rue de Montmorency, à l'usage des employés de la maison de commerce ; l'usine située à La Villette, 77 rue de l'Ourcq, sur un terrain de 4000 m² acheté en 1860. »

La publicité

 

Imp. F. Champenois,1890.

Le célèbre album

 

Affiche, imp. P. Jouet, Paris., vers 1895.

Les chromos

 

• Le théâtre à travers les âges

 

Tôle lithographiée, ca 1910, imp. Sté de Décoration s/ Métaux,

Paris-Bagnolet, 28,2 x 51 cm.

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