Pérou

 

 

Dans son Histoire de la conquête du Pérou (1847), lhistorien américain William Hickling Prescott indique que, dans les années 1520, les hommes de lexpédition de Pedro Pizzaro observèrent des plantations de cacaoyers sur la côte Pacifique (1) et que les Indiens utilisaient les cabosses (« cocoa-nuts ») sauvages à des fins alimentaires, au même titre que le maïs, la pomme de terre ou lananas. Pourtant, contestent les chercheurs, aucune des sources citées par Prescott ne mentionne le cacao… Et Joseph Acosta nécrivit-il pas à la fin du XVIe siècle que cet arbre ne poussait pas au Pérou ?

(1) « […] while the summer lies in full power on the burning regions of the palm and the cocoa-tree that fringe the borders of the ocean […]. »

À quand remonte la présence de cacaoyers dans ce pays dAmérique du Sud ? Une terre cuite péruvienne (coll. privée), appartenant à la culture Nazca, représente un cueilleur de cacao. Aucune trace de fèves de cacao na été décelée dans les tombes préhistoriques du littoral péruvien. Tout comme aucune représentation de ce fruit sur des vases funèbres na été mise au jour. Ce qui vient démentir certaines affirmations et images dotant la côte péruvienne de plantations de cacaoyers. Il semble que les premiers occupants de cette contrée ne connurent pas le cacao… À la fin du XVIIIe siècle, Don George Juan et Don Antoine de Ulloa observaient à propos de la région de Jaén : « Le Pays est fertile en Denrées propres au climat. Il est rempli dArbres sauvages, parmi lesquels les Cacaoyers croissent & donnent du fruit en abondance, lequel égale en bonté le Cacao cultivé ; mais on nen profite guère, vu quil sen consomme très-peu dans le Pays ni aux environs ; & que de lenvoyer en Europe, les fraix du transport le feroient monter à un prix qui ne permettroit pas de le vendre. Cest pourquoi on le laisse à la discrétion des Singes & autres Animaux, ou se perdre sur les arbres. » Et de préciser plus avant : « la consommation de cette denrée étant peu considérable à Lima en comparaison des autres Villes des Indes. » (Voyage Historique de lAmérique méridionale fait par ordre du roi dEspagne.) Lors dune expédition quil effectua dans les années 1820, pour « explorer ce prodigieux instrument de commerce et de civilisation » que constituait lAmazone, un lieutenant de la marine royale anglaise, du nom de Maw, recensa les cultures pratiquées par les Péruviens sur les bords du fleuve Maragnon, et parmi celles-ci figure le cacao. Il observe que le cacao vient à létat sauvage dans la province de Mainas, au pied des Andes, et qu« il abonde surtout dans le voisinage de lUcayale ; le fruit en est, dit-on, plus gros quà Guayaquil » (2).

Naguère, en l’absence d’une organisation cacaoyère et en raison du climat de terreur instauré par les trafiquants de drogue (narcos) — de ce fait, sur les terres propices au cacaoyer, les paysans cultivaient majoritairement la coca —, le pays connaissait une production de cacao pour le moins désordonnée et chaotique. Mais, en 1992, un programme de développement alternatif (PDA), lancé par les Nations Unies, eut pour but d’assainir la contrée, en substituant la culture du cacao à celle de la coca. L’entreprise s’avéra une réussite, notamment en Amazonie péruvienne, dans le département de San Martin, dans la vallée centrale du rio Huallaga, autour de la bourgade de Juanjui. Cette région se transforma en bastion du cacao. Dans la même zone, du côté de la rivière Huayabamba, certains de ces ex-producteurs de coca (cocaleros), reconvertis dans le cacao, se regroupèrent, en 1997, en une cooperativa agraria cacaotera (Acopagro), dont le siège se trouve à Juanjui. Cette coopérative, forte de 26 planteurs à sa création, allait compter plus de 1 500 membres en 2011. Elle opta, en 2001, pour le cacao bio, puis, en 2005, pour la certification équitable FLO. Elle est devenue le premier exportateur de cacao du Pérou (1747 tonnes de fèves en 2010), vers la Suisse (40 %), lItalie (30 %), les Pays-Bas (20 %) et la France (10 %). la majeure partie (90 %) de sa production est garantie « bio » et certifié « fair trade ». Elle aide les planteurs à repenser la cacaoculture. Elle sest même investie dans un important programme de reforestation (3) Pur Projet, lancé en 2008, à linitiative du Français Alter Eco (un de ses clients), pour lutter contre le réchauffement climatique, en partenariat avec, notamment, lentreprise Vittel, rattachée au groupe Nestlé. Tout en protégeant lenvironnement, la reforestation améliore la qualité des fèves, suscite lintérêt dacheteurs avisés et garantit une rentabilité à long terme La région de San Martin se montre donc exemplaire ; la plupart de ses producteurs ont délaissé la coca pour le cacao, et, de ce fait, la région a recouvré une paix sociale. (4)

(2) Analyse du livre parue dans la Monthly Review, dans Revue Britannique, tome 26, 1829.

(3) Du temps de la culture de la coca, le défrichage de la forêt était une pratique courante, et cette déforestation fit des ravages.

(4) Voir le documentaire de Sylvain Braun et Jean-Michel Corillion, À l’ombre du cacao, dans lequel Tristan Lecomte, pionnier du commerce équitable et fondateur d’Alter Eco, rencontre les producteurs de cacao au Pérou. Diffusé sur la chaîne France 5 en juillet 2012. Un intéressant article de Claire Cousin (photos de Marc Deville) fut consacré à ce même sujet : Le Monde Magazine, 3 avril 2010.

Le Ministère de l’Agriculture s’emploie à regrouper initiatives publiques et privées, à améliorer la qualité du cacao et à aider les associations de petits producteurs. L’APPCACAO (Associación Peruana de Productores de Cacao) réunit plus de 18 000 producteurs, répartis en vingt organisations, et concerne plus de 30 000 hectares (en 2011). Elle s’est fixé pour objectif d’attirer l’intérêt sur le travail des petits producteurs, de produire un cacao d’excellence, de maintenir une qualité constante et d’établir au Pérou une culture de consommation du bon chocolat. En 2010 s’est tenu à Lima le premier Salon du Chocolat sud-américain.

Les cacaos du Pérou

 

L’essor fulgurant des cacaos péruviens les classe désormais parmi les meilleurs cacaos du monde. Ils sont aromatiques, avec une note florale. le pérou est reconnu comme exportateur de cacao fin depuis 2005. Certains crus de la région du San Martin sont particulièrement réputés, tels Alto el Sol, Santa Rosa et Pathiza. LAlto el Sol se caractérise par sa longueur en bouche, par sa saveur un peu fruitée (évoquant les fruits rouges) et acide.

Il convient, toutefois, de noter que, au milieu des années 1990, El Niño détruisit une partie des cacaoyers du Pérou. Lhybride CNN 51 (voir cacaoyer) fut alors introduit dans le pays, dont la productivité saccompagne dune médiocrité aromatique décriée par les amateurs de vrai chocolat.

Chocolaterie et confiserie de chocolat.

 

À Lima, le couvent de la Congrégation des Filles de la Vierge Marie s’est fait connaître pour l’excellence de sa confiserie de chocolat (5). D’ailleurs, sa mère supérieure est connue sous le nom de Madre de los Dulces (« Mère des Douceurs »).

(5) Les nonnes confectionnent aussi des bonbons, des glaces et, surtout, des pièces montées dont, longtemps, à Lima, aucun grand mariage n’aurait su se passer.

Pérou : production de cacao

en milliers de tonnes

 

1960-61                            2,688

1961-62                            2,464

1962-63                            2,670

1963-64                            2,674

1964-65                            1,836

1965-66                            2,149

1966-67                            2,301

1967-68                            1,795

1968-69                            2,412

1969-70                            2,107

1970-71                            2,173

1971-72                            2,231

1972-73                            2,406

1973-74                            2,545

1974-75                            2,658

1975-76                            2,607

1976-77                            3,998

1977-78                            4,039

1978-79                            4,262

1979-80                            4,420

1980-81                            5,312

1981-82                            6,045

1982-83                            6,145

1983-84                            6,501

1984-85                            8,033

1985-86                           11,082

1986-87                           14,080

1987-88                           16,658

1988-89                           17,813

1989-90                           14,796

1990-91                           15,473

1991-92                           15,000

1992-93                           14,970

1993-94                           13,446

1994-95                           22,704

1995-96                           22,867

1996-97                           19,504

1997-98                           22,134

1998-99                           20,964

1999-2000                       25,049

2000-01                           23,652

2001-02                           24,219

2002-03                           24,214

2003-04                           25,921

2004-05                           25,257

2005-06                           31,676

2006-07                           31,387

2007-08                           34,003

2008-09                           36,803

2009-10                           46,613

2010-11                           56,500

2011-12                               ????

2012-13                                 ???

 

[Source : FAO.]