Octobre Rouge (Красный Октябрь).

(Russie)

 

Un géant russe

Cette chocolaterie russe fut créée en 1851 à Moscou par l’Allemand Teodore Ferdinand von Einem. Arrivé à Moscou en 1850, Einem ouvrit un négoce de sucre, avant de créer dans la rue Arbat un petit atelier de fabrication de chocolat et de confiserie. Il trouva ensuite un associé en la personne de l’Allemand Julius Heuss, qui allait se révéler un redoutable homme d’affaires. Tous deux ouvrirent une boutique sur la place Teatralnaya. Mais l’entreprise connut sa phase décisive avec l’acquisition d’une machine à vapeur et la construction d’une usine au bord de la Moskova, sur le quai Sofiyskaya, une usine qui allait considérablement s’agrandir par la suite. Les documents officiels considèrent 1867 comme l’année officielle de fondation de l’usine à vapeur Einem pour la fabrication de chocolat et de biscuits. Le succès de l’entreprise fut d’autant plus considérable que Einem était très au fait des goûts des Moscovites en matière de friandises. Mais celui-ci quitta peu à peu l’affaire, dont Julius Heuss devint le seul propriétaire — il lui conserva le nom de son ex-associé. À cette époque, la journée de travail étant de 10 heures, les employés qui, en majeure partie, habitaient les environs de Moscou étaient nourris et logés à l’usine. Ils bénéficiaient de divers avantages sociaux : une école pour les apprentis, une pension de retraite, un fonds d’assistance hospitalière, etc. La gamme de produits comportait confiseries, chocolat, cacao, biscuits, pain d’épices. Elle s’élargit, aux confitures notamment, lorsque l’entreprise se dota d’une usine à Simpheropol (Crimée).

Après avoir reçu la médaille d’or à l’exposition de Nizhny Novgorod (1896), l’entreprise fut autorisée à faire figurer l’emblème national sur ses emballages. Elle devait peu après se voir honorer du titre de fournisseur de la cour impériale. Lors de l’Exposition Universelle de Paris, en 1900, la Société de l’usine à vapeur Einem pour la fabrication du Chocolat, des Bonbons et des Biscuits se vit décerner le grand prix, récompense suprême que lui valut, entre autres critères, l’excellente qualité de son chocolat. Si elle démarra avec 20 ouvriers à sa création, elle en comptait 1 300 en 1900. Sa production annuelle s’élevait à 5 000 tonnes par an. Ce qui laisse imaginer le succès rencontré au xixe siècle par les douceurs dans l’empire russe. Au cours de la Première guerre mondiale, la firme apporta son aide par la mise en place d’un hôpital pour les soldats blessés, l’envoi de biscuits sur le front, etc.

Vint la Révolution d’Octobre. La société Einem fut nationalisée, rebaptisée « Confiserie d’État n°1, anciennement Einem », puis renommée, en 1922, Krasniy Octyabr (« Octobre Rouge ») — plusieurs années durant, la précision « anciennement Einem » allait figurer sur les emballages, tant étant grande la popularité de la marque. La production ne faiblit pas, bien au contraire. De nouveaux articles furent lancés, qui constituent encore aujourd’hui le fonds de l’entreprise. Pendant la Seconde guerre mondiale, la production fut pratiquement interrompue pour céder place à des denrées destinées à l’armée. Un chocolat spécial Colafut ainsi fabriqué à l’intention des aviateurs et des sous-mariniers. Pour le secours apporté en cette période, Octobre Rouge fut à plusieurs reprises récompensée. L’après-guerre vit la poursuite de son essor, sa modernisation dans les années 1960, puis sa privatisation en 1992. La production connut une hausse notable dans les années 1990. Des filiales furent créées à Ryazan, Kolomna et Yegorievsk. Au début des années 2 000, 5 000 personnes travaillaient pour Octobre Rouge. Les avantages sociaux instaurés par Heuss ont perduré et se sont même accrus.

Aujourd’hui, son activité a été délocalisée pour libérer le centre historique de Moscou de toute activité industrielle. L’imposant bâtiment de briques rouges dressé sur l’île Bolotny, face à la cathédrale du Christ-Sauveur, a donc fermé ses portes et, tout en étant préservé, est transformé en un lieu de travail et de vie haut de gamme (bureaux, appartements, galeries d’art, etc.). Un petit musée se propose d’y perpétuer le souvenir de l’entreprise. Celle-ci présente une capacité de production annuelle de plus de 60 000 tonnes. Sa gamme compte plus de cinq cents articles différents, qui ont, tous, recours à des produits naturels. Elle couvre 20 % du marché du chocolat en Russie. Considéré comme le cœur de l’entreprise, car il fournit des produits intermédiaires aux autres secteurs, le département « chocolaterie » bénéficia de l’assistance des firmes Haas (Autriche), Buhler (Suisse) et Anton Ohlert (Allemagne). Il travaille jusqu’à 12 000 tonnes de fèves de cacao par an. Il produit la tablette de chocolat au lait Alyonka, lancée en 1966 et populaire dans le pays — un jolie visage de fillette aux yeux bleus (celui de la fille d’une artiste travaillant à l’usine, semble-t-il) orne l’emballage. Tout comme le célèbre Mishka Kosolapy (« ours pataud »), lancé en 1925, qui associe gaufrette et praliné sous une couverture de chocolat noir et qui fait partie du patrimoine gourmand russe. Mais également du chocolat pour dessert, des bonbons de chocolat, des truffes (triufeli), etc.

La publicité

 

Sous la férule de Julius Heuss, la firme moscovite accorda très tôt une grande importance à la communication, à travers les noms des produits (chocolats Boyarskiy, Mignon, tablettes aux noms d’ours ou d’écureuil, etc.) et l’aspect artistique de leur conditionnement (boîtes garnies de velours ou de cuir, décorées de peintures célèbres, etc.). La manufacture disposait de son propre compositeur, et tout acheteur se voyait offrir une partition de musique « Valse du chocolat » « Galop des gâteaux », etc.

 

Dépliant chromolithographié, coll. A. P.-R.

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