Le breuvage

 

Dans mon enfance, à la campagne, chez ma grand-mère,

mon frère et moi portions dans nos mains le bol chaud pour le poser sur le rebord de la fenêtre ;

en mangeant, nous regardions les passants mielleux en paroles ou les jardiniers taillant les haies à la serpe.

Derrière la haie, deux pommiers tordus sur le ciel.

Le chocolat était fait avec du lait crémeux apporté par une petite fille qui ne parlait pas et, lorsqu’elle entrait dans la maison, s’essayait à faire le moindre bruit avec ses sabots.

Le lait était versé d’une grande cruche rouge dans des bols et des soupières à fleurs qui continuaient de servir malgré quelques ébréchures. »

Jean Follain, La Table

  • Comment préparer le chocolat (L’Escole parfaite des officiers de bouche…, 1713)
  • Le chocolat selon Gilliers (Le Cannaméliste Français, 1768)
  • Chocolat à l’arôme de jasmin (Francesco Redi)

  • De la liqueur de chocolat (Dubuisson)

  • Le chocolat de la ruelle (Joseph Baretti)
  • Du chocolat (Brillat-Savarin)
  • Comment l'on prend le chocolat chez tous les peuples (Eugène et Auguste Pelletier)
  • Préparation du chocolat de santé à la manière des îles françoises de l’Amérique (La Nouvelle Maison Rustique, 1804)

  • Le chocolat espagnol (Émile Bégin)
  • À l'heure du refresco (Émile Bégin)
  • Un adepte du chocolat, le roi d'Espagne Charles IV à Rome (New Monthly Magazine)
  • Journalisme et chocolat (Jules Janin)
  • Chocolat au vin de Chypre (Auguste Debay)
  • Chocolat à la vanille (Alexandre Dumas)
  • Chocolat à la façon de Milan ou d'Italie (Alexandre Dumas)

  • Au temps des devises (Gaston Lenôtre)
  • Au jardin du Luxembourg, la résurrection de la gourmandise (Frank Louis Schoell)

Comment préparer le chocolat

 

« Le Chocolat est un mélange de drogues dont on fait un breuvage, & même un remede qui nous est venu des Espagnols, qui l’ont apporté des mexicains, chez lesquels ce mot de Chocolat signifie simplement Confection.

Le Chocolat est une composition de Cacao, de Vanilles, de Clous de Girofle, de Canelle, de Macis & de sucre. Le tout bien preparé on en fait une pâte dont on se sert en la maniere qui suit.

Prenez une Chocolatiere, mettez-y de l’eau, laissez-la bouillir, sur quatre prises ou tassées, vous mettrez un quarteron de Chocolat, ainsi à proportion, autant pesant de sucre si vous l’aimez, le tout bien râpé, remuez le tout avec un bâton propre pour cela ; ensuite mettez-le devant le feu si vous voulez, & lors qu’il monte retirez-le, crainte qu’il ne se verse par dessus.

Il faut le bien foüetter avec le bâton pour le faire mousser, & à mesure qu’il moussera, versez-le dans des tasses l’une après l’autre ; si vous n’en voulez qu’une prise, il ne faudra mettre dans vôtre Chocolatiere qu’une tassée d’eau & un once de Chocolat.

On prend le Chocolat au Lait si l’on veut, on en met autant que d’eau, on le fait bouillir prenant garde qu’il ne tourne, & on l’acheve comme on vient de le dire ; on peut diminuer la dose du sucre, sin on ne l’aime pas bien sucré.

Le Chocolat échauffe, il fortifie l’estomac & la poitrine, il soutient et rétablit la chaleur naturelle ; il nourrit, dissipe les humeurs, fortifie & entretient la voix, & est propre à bien d’autres choses, dont le détail seroit ici trop long. »

 

L’Escole parfaite des officiers de bouche…, 1713

Le chocolat selon Gilliers

 

Faites boüillir de l’eau, lorsqu’elle sera bien bouillante, prenez une once de Chocolat que vous aurez bien rapé pour chaque tasse d’eau ; mettez votre chocolat dans une chocolatière, & y versez votre eau boüillante dessus ; laissez boüillir votre chocolat deux ou trois boüillons, alors éloignez-le un peu du feu, pour le laisser mitonner pendant un quart-d’heure, en le remuant avec votre moulinet pour achever de le dissoudre : quand on est prêt à le servir, on continuë après l’avoir ôté du feu, jusqu’à ce qu’on l’ait fait bien mousser ; on verse de cette mousse dans la tasse, & on acheve de la remplir du reste de votre chocolat ; on recommence après à le remuer, pour faire venir de nouvelles mousses, & on en remplit tout-de-même les autres tasses. Lorsqu’avec le moulinet, on veut bien faire mousser le chocolat, il faut que, par proportion à la quantité de votre chocolat, la masse soit de telle hauteur, que sans toucher au fond de la chocolatière, dont elle doit être éloignée d’un demi-travers de doigt, elle ne laisse pas d’être entièrement noyée dans le chocolat ; car si la partie supérieure en excédoit la hauteur, la mousse ne se feroit qu’imparfaitement.

                       Le Chocolat au lait se fait de la même manière, au lieu d’eau, comme j’ai dit ci-dessus, vous vous servez de lait que vous faites boüillir, prenez garde qu’il ne soit point tourné ; si vous trouvez que votre chocolat ne soit pas assez sucré de lui-même, vous pourrez y en mettre, jusqu’à ce qu’il soit de votre goût […].

 

Joseph Gilliers

Le Cannaméliste Français, 1768

Chocolat à la vanille

(façon de Paris)

 

« Prenez, par exemple, 5 kilogrammes de pâte de cacao, 60 grammes de vanille et 5 kilogrammes de sucre. Vous incorporez 4 kilos deux fois dans le mortier pendant qu'il est encore chaud, vous mélangez bien le tout en le pilant et vous retirez cette pâte quand elle est bien mêlée pour la mettre dans une terrine à la réserve de 500 grammes, que vous broyez sur une pierre à chocolat. Cette pierre doit être unie, de 43 à 48 centimètres de large sur 81 de long et 8 centimètres d'épaisseur. Vous l'affermissez sur un châssis de bois en forme de buffet garni de tôle à l'intérieur et disposé de manière à recevoir une petite poêle de braise bien allumée, suffisamment couverte de cendres pour conserver à la pâte une chaleur douce ; vous mettez à côté de ce feu la terrine dans laquelle est le surplus de votre pâte ; puis vous broyez celle qui est dessus avec un cylindre de fer poli. Lorsque votre pâte est suffisamment broyée, vous la transvidez dans une autre terrine que vous mettez de même à côté du feu pour la conserver fluide, vous en remettez de nouveau sur la pierre et vous procédez ainsi jusqu'à ce que votre pâte ait entièrement passé par cette opération. Vous aurez soin pendant ce travail de toujours entretenir le feu sous votre pierre, qui doit conserver le degré de chaleur convenable, c'est-à-dire assez chaude pour qu'on ne puisse y laisser le dos de la main qu'un instant. Vous ajoutez à votre mélange suffisamment broyé la vanille pulvérisée avec 500 grammes de sucre et tamisée. Remettez votre pâte sur la pierre, retirez-la promptement et roulez-la sur une feuille de parchemin, afin de lustrer votre chocolat ; coupez-le par morceaux, mettez-les dans les moules frappés, le plus droit possible pour que le chocolat devienne uni et luisant, et, dans le cas où il se formerait dessus des petites bulles produites par l'effet de l'air, piquez ces bulles avec une épingle, et votre tablette devient parfaitement unie. Laissez refroidir votre chocolat dans le moule, afin qu'il durcisse ; quand il s'est solidifié, il se sépare des moules facilement, il suffit pour cela de les renverser ou de les presser légèrement par les deux bouts, comme si on voulait les tordre ; de cette façon, les tablettes qui seraient attachées par quelque côté se retirent très facilement sans courir le risque de se briser. Si votre chocolat est mis trop chaud dans les moules, il se forme dessus des taches ; s'il est trop liquide, jetez deux ou trois cuillerées d'eau sur une quantité de 10 kilogrammes et remuez-le jusqu'à ce qu'il soit devenu plus épais, ce qui donne plus de facilité pour le mettre dans les moules.

                     Pour obtenir un chocolat qui flatte le goût, vous ajoutez au lieu de vanille 45 grammes de cannelle et 3 gr. macis que vous mélangez et pulvérisez avec le sucre ; si vous désirez un chocolat plus fin, retranchez 1 kilogramme de sucre sur la quantité indiquée ci-dessus. Vous enveloppez vos tablettes dans du papier blanc et vous le conservez dans un endroit bien sec, la moindre humidité le ferait moisir.

               La vanille contenant une matière résineuse et balsamique et étant dans un état de mollesse perpétuelle, il est indispensable de la piler avec le sucre et autant que possible par un temps sec, parce que le sucre passe difficilement à travers le tamis par les temps humides ; il est important aussi que la vanille soit choisie fraîche et de bonne qualité. La dose que nous prescrivons ci-dessus n'est que comme exemple ; on emploie les différentes substances qui entrent dans la composition du chocolat à volonté et dans les proportions convenables à la quantité que l'on veut faire. »

 

Alexandre Dumas

Grand Dictionnaire de Cuisine, 1873

Chocolat à la façon de Milan ou d'Italie

 

« Il se fait de la même manière que le précédent [chocolat de Bayonne et d’Espagne] ; la différence existe seulement dans la forme de la pierre qui est cintrée et cannelée. Une seule espèce de pierre est propice à ce travail ; elle se travaille aux environs de Milan, et se vend avec les deux rouleaux du même grain 300 fr. dans le pays. Le chocolat qui se fait sur cette pierre est de qualité supérieure, parce que le cacao s'y trouve mieux broyé qu'il ne saurait l'être dans un mortier de fonte qui, très chaud, ne manquerait pas d'en absorber l'huile. Aussi les ouvriers italiens apportent-ils cette pierre à Paris, et leur chocolat fabriqué avec est-il trouvé meilleur. »

 

Alexandre Dumas

Grand Dictionnaire de Cuisine, 1873

Alexis Simon Belle, coll. pert.

Ecole Française, vers 1750, coll. part.

Antoine-Emile Plassan (1817-1903), Le chocolat du matin.

 

Charles Béranger, Une tasse de chocolat, 1844, coll. part.