Siraudin

(France)

 

Né vers 1814 à Sancy, Paul Siraudin entreprit très jeune une carrière dramatique et écrivit un nombre important de pièces (comédies, vaudevilles, parodies, etc.), souvent en collaboration (avec Labiche, Banville, Delacour, Théophile Gautier, etc.) — la plupart furent jouées, avec succès, aux Variétés et au Palais-Royal, notamment. C’est lors d’un dîner, en 1860, avec le duc de Morny, le comte Fernand de Montguyon et quelques amis, que l’idée lui prit d’acheter une maison de confiserie. Ce qu’il fit aussitôt, en association avec le comte de Montguyon. Les associés allaient bientôt prendre pour directeur M. Reinhardt.

Sans doute Paul Siraudin n’était-il pas apprécié de tous : « Siraudin, un Philippe Bridau chauve et le chapeau casseur : cet auteur de cocasseries, ce vaudevilliste fangeux ayant une bibliothèque, des livres qu’il a lus, sachant Bachaumont, sachant même Métra, — et pourquoi ? », lit-on sous la plume des Goncourt (Journal, 5 mars 1858).

Vicomtesse de Renneville

 

« […] j'oubliais de vous parler des éphémères de Siraudin II et de ses deux empires qui caractérisent bien les modes du jour.

           Siraudin II se connaît en bonbons, comme Siraudin Ier en esprit et en couplets. — A chacun sa spécialité. — Siraudin iivient de remporter une grande victoire, en renfermant dans l'enveloppe fondante du chocolat une crème fraîche et fouettée, soit à la vanille, au kirsch, aux avelines, à la pistache, au café et au Mont Carmel.

          Parions que les deux empires de Siraudin ii vous intriguent fort. Il fait de l'opposition, et la censure n'a rien à lui dire, car il met en rivalité et en présence 1806 et 1866, sous les traits de deux orgueilleuses poupées qui ne veulent pas se reconnaître, tout en se disant sœurs.

         Allez visiter ses salons. Vous en verrez bien d'autres. C'est la boîte Contemporaine, avec photographie coloriée. Et la boîte Impératrice, en satin de toutes couleurs, avec floraison de fleurs, signée — Constantin. »

 

Le Monde Illustré, 23 décembre 1865.

 

Siraudin, confiseur

 

« M. Siraudin est le lion du moment, comme disent les Anglais. On ne parle que de lui, et l'on en parlera bien davantage encore dans trois semaines, à l'époque du jour de l'an. L'acte de haut et intelligent positivisme que vient d'accomplir cet homme de lettres, a été vite consacré par le succès. Un pèlerinage à son brillant magasin de la rue de Paix est aujourd'hui chose indispensable parmi la fashion ; — l'auteur du Bourreau des Crânes et de tant de comédies spirituellement bouffonnes, a transformé son public en clientèle ; jugez s'il est en train de faire fortune !

                 D'autres pourront s'extasier sur le luxe d'heureux goût qui décore les salons de Paul Siraudin, compter les glaces, louer les peintures, s'arrêter devant un bananier vraiment magnifique qui forme la décoration du fond ; d'autres encore s'oublieront à admirer la grâce et l'empressement des nombreuses demoiselles, sous les doigts desquelles semblent éclore dragées et pralines ; mais nous, qu'un esprit sérieux a toujours dominé, nous pousserons la porte du laboratoire, et nous irons demander au plus renommé et au plus habile de tous les chefs d'office, à M. Trouet, les secrets de la confiserie moderne.

           Non, Berthellemot et Bonnet n'ont pas tout dit : non, la rue des Lombards ne représente pas les colonnes d'Hercule du pastillage et du sucre filé. Le progrès est partout et dans tout, même dans les croquignoles et dans les fondants. Siraudin a cherché et il a trouvé : il a trouvé le chocolat Florentin, une suavité ; le bonbon Emma-Livry, une actualité ; le bonbon Périgord, qui, sous l'apparence d'une truffe, inonde la bouche d'une marée de voluptés ; les pralines du Club, les nougats à la Duchesse, — et surtout les Violettes de Parme candies. Car voilà où l'on est arrivé, ô surprises ravissantes, ô délices inespérés ! On fait mieux que de respirer les fleurs et de s'en parer, on les mange. On croque les œillets, on se nourrit avec les roses. Un bouquet est à deux fins à présent. — Les Violettes de Parme candies seront la grande vogue de cette saison.

                Que nous sommes loin des bonbons naïfs de la Restauration, des cosaques, des diablotins, des pêches glacées au Cerf Coro, des jujubes à la Famille des Innocents, des vaisseaux de gelée de prunes à la Jean Bart, des sultans aux Deux Edmond. Nous avons raffiné sur tout. Les bonshommes en pâte coloriée sont retournés chez les épiciers, entre les réglisses et les marmelades ; les petits temples jaunes et verts, avec un papillon au sommet, balancé sur un fil de fer, se sont réfugiés dans la vitrine des derniers pâtissiers de province. — M. Siraudin va donner une nouvelle impulsion et un éclat inusité à un art qui touche à toutes les délicatesses et à toutes  les poésies et qui est à la fois le charme de la vue, de l'odorat et du goût.

                Déjà, il nous a donné le bonbon photographique, c'est-à-dire à-dire le portrait remplaçant la devise, — l'antique devise idiote et souvent immorale ; — il nous promet le bonbon artistique, le bonbon musical, et, qui sait ? le bonbon politique, peut-être.

                 Avec de tels éléments de mode, il n'est pas difficile de prédire que le tout Paris traditionnel ira s'approvisionner, au premier de l'an, chez Siraudin, confiseur.

 

Charles Monselet

dans Le Monde Illustré, 8 décembre 1860

 

Les

L'Univers Illustré, 20 décembre 1873.

Camille Dedans (1832-1910),

Les plaisirs et les curiosités de Paris :

guide humoristique et pratique, 1889. 

Panier, laiton tressé, époque Napoléon III.

Ajouter un commentaire

Commentaires

Patrick Madenspacher
il y a 2 ans

Bonjour Madame,

Petit professeur d'Histoire, aujourd'hui à la retraite, j'ai écrit passablement d'articles sur ma région, l'Alsace.

Je vous écrit en tant que spécialiste des confiseries, du chocolat... Il se trouve qu'un confiseur de par chez moi est monté à Paris afin d'y diriger un hôtel. Par après, notre homme, Louis Reinhardt, a pris, en 1861, vraisemblablement, la suite de Paul Siraudin, vaudevilliste et confiseur. Vous racontez fort joliment l'histoire de Siraudin sur ce site.

Pourriez-vous me dire quand l'affaire Siraudin-Reinhardt cessa ? Les journaux de l'époque parlent de 1882. Savez-vous pourquoi cette affaire réputée, fréquentée par le high-life de la capitale s'arrêta ? Reinhardt avait vu le jour en 1824. Etait-il fatigué ? Apparemment, il n'était plus de bon goût d'offrir des bonbons aux étrennes...

A l'heure actuelle, j'ignore où et quand Reinhardt décéda. Je pense qu'il était marié et que son épouse a joué un rôle dans la confection des écrins contenant les bonbons produits par son mari.

Dans l'espoir d'une réponse de votre part, je vous prie de croire, Madame, en mes salutations respectueuses,

Patrick Madenspacher

Copyright Annie Perrier-Robert © Tous droits réservés.