Le Theobroma Cacao, L. et ses cultivars

 

Dans son Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne, Fray Bernardino de Sahagún indique que tout bon marchand de cacao est particulièrement vigilant quant à l’homogénéité des fèves qu’il vend. Pour cela, il prend en compte couleur, taille et poids, mais aussi, et c’est là un détail d’importance, l’origine du cacao. Ainsi mentionne-t-il les variétés provenant de Tochtepec, de l’Anáhuac, du Guatemala, de Guatulco ou du pays de Xolotepec. Au XVIIe siècle, Thomas Gage distingue deux sortes de cacaos : l’un, commun, rond, brun rouge et « picoté au bout », et l’autre, dit Patlaxe, blanc, plus « dessicatif » et de loin moins coûteux. En France, René Moreau, traducteur du traité d’Antonio Colmenero de Ledesma, recense les espèces d’arbres suivantes : le Cacahuaguahuitl, qui est soit de grande taille et très productif, soit de moyenne grandeur et pourvu de fruits plus petits ; le Xuchicacahuaguahuitl, plus petit encore et aux cabosses plus rouges ; le Tlalcacahuaguahuitl, très petit arbre et aux fruits les plus petits. C’est cette dernière espèce, ajoute-t-il, qui sert principalement à la confection du breuvage, les autres étant plutôt utilisées pour « trafiquer ». À la fin du XVIIe siècle, Nicolas de Blégny, traitant du « fruict du cacauifere ou cacao », qu’à la différence de Sahagún et de Gage, il ne connaît que par ouï-dire, distingue plusieurs variétés : le gros noir, la plus grosses variété, et la meilleure aussi, à l’enveloppe brun noirâtre ; le petit noir, de même couleur, parfois de plus grande saveur que la précédente ; le gros rouge, à l’enveloppe rouge brun, de goût moins agréable. Témoignage néanmoins intéressant, car il reflète ce que l’Europe savait du cacao. De même en est-il de ce que Furetière écrit, à la même époque, dans son Dictionnaire universel : « Il y a deux sortes de cacao, dont l’un est brun tirant sur le rouge. Les noyaux de cette espèce sont ronds & picotés vers le bout. Ceux de l’autre espèce sont plus gros, plus plats, & d’une substance plus sèche. Ils sont à meilleur marché que les autres, & il n’y a que le menu peuple qui s’en serve. » Autant dire que la connaissance du cacao était encore imprécise…

Au début du XIXe siècle, on ne connaissait que deux variétés, le créole (criollo) et l’étranger (forastero). « On n’a pas encore essayé les effets de la greffe sur ce fruit intéressant ; si des agronomes instruits voulaient lui consacrer leurs soins, ils ne tarderaient pas à voir les résultats de leurs recherches, car la végétation du cacaoyer est très prompte. », lit-on dans un article du Magasin Pittoresque, de 1834. En 1875, Aimé Riant préférait distinguer le cacao caraque, produit au Venezuela (côte de Caracas), « le meilleur et le plus estimé », et le cacao des Îles, propre aux Antilles, à l’île de France (île Maurice) et à l’île Bourbon (La Réunion), et moins aromatique. À la fin du XIXe siècle, le docteur Georges Pennetier, directeur du Muséum d’Histoire Naturelle de Rouen, recensait plusieurs espèces au sein du « genre cacaoyé (Theobroma) », chacune d’entre elles présentant de nombreuses variétés, « car, précise-t-il, les plus légères différences dans la nature du sol influent d’une manière appréciable sur la qualité des graines ». L’espèce la plus importante étant le Theobroma Cacao, L., « arbre mexicain propagé en Asie et en Afrique », et répandu aux Antilles. Les classements fleurirent donc, qui ne parvenaient pas toujours à prendre en compte les variétés locales (chuao, soconusco, etc.). Ils eurent plus souvent une valeur théorique que pratique. D’autant que dans certaines régions ils étaient difficiles à opérer. « À Trinidad, écrit Aimée Faichère en 1906, les variétés de cacao sont très nombreuses ; mais, bien que les anciens planteurs espagnols les aient rangées en un certain nombre de catégories, il est très difficile de déterminer où telle variété finit et où telle autre voisine commence, tant les limites qui les séparent sont peu précises. À mon sens, les classifications de MM. Morris et Hart sont loin d’avoir une réelle valeur pratique. » De fait, les distinctions émises par Daniel Morris (1) et John Hinchley Hart (1847-1911) ne firent pas l’unanimité. Pour exemple, le docteur Paul Preuss, spécialiste du cacao d’Amérique Centrale et des Antilles, ne reconnut pas au véritable criollo les caractères indiqués par Hart.

Suivant la distinction établie, en 1944, par le botaniste anglais Ernest Entwistle Cheesman (1898-1983) (2), et restée en vigueur, on considère que le Theobroma Cacao, L, espèce cultivée à des fins commerciales et industrielles, comporte trois groupes — les Forasteros, les Criollos et les Trinitarios —, fondés sur les critères morphologiques et l’origine géographique. L’essor des Forasteros (ou amazoniens), aux cultivars vigoureux, et le déclin des Criollos (ou créoles), très fragiles en raison de leur faible résistance à la maladie, ont considérablement modifié la carte de la production, d’autant qu’est apparue une autre famille, de choix, celle des Trinitarios. En effet, si, en 1900, l’Amérique latine était le plus gros producteur (80 %) face à l’Afrique, qui n’en fournissait que 16 %, les rôles sont aujourd’hui inversés, avec 70 % pour l’Afrique de l’ouest, qui bénéficie de ses efforts dans la lutte contre les parasites et les maladies, ainsi que de sa persévérance à développer des espèces à rendement tout en conservant la qualité.

(1) Il fut directeur des Public Gardens Plantations, à la Jamaïque, puis directeur adjoint des Royal Gardens à Kew (Londres) et Imperial Commissioner of Agriculture pour les Indes Occidentales. Il écrivit Cacao, How to grow and how to cure it (Jamaïque, 1882).

(2)Professeur de botanique à l’Imperial College of Tropical Agriculture, de Trinidad, de 1925 à 1937, il s’intéressa à la culture du cacao et fit plusieurs publcations sur ce sujet. En 1944, il livra sa théorie dans ses Notes on the nomenclature, classification and possible relationships of cocoa populations (dans Tropical Agriculture, vol. 21) : le cacaoyer serait originaire de la Haute-Amazonie (donc d’Amérique du Sud) ; il en situa le berceau dans un rayon de 400 km, dans le voisinage des rivières Napo, Caquetá et Putumayo, toutes trois affluents de l’Amazone. Cette localisation, approuvée par les scientifiques, s’est vue récemment « confirmée » par des chercheurs en génétique, tels Claire Lanaud et Juan-Carlos Motamayor.

 

Ci-contre, dessins dreamstime.com

Les criollos

 

Fragiles et peu productifs, les criollos (Theobroma cacao subsp. cacao) [3] ne se trouvent qu’à l’état cultivé, en Colombie, au Nicaragua, au Mexique, au Venezuela, aux Comores, à Java, à Madagascar et au Sri Lanka. Ils sont soumis à une importante érosion génétique, due principalement à leur grande sensibilité aux maladies et à la forte régression de leur habitat, notamment au Mexique et en Amérique centrale. Les débuts de leur « consommation » remonteraient à plus de deux mille ans. Depuis lors, ils se sont reproduits par les graines, ce qui explique leur diversité morphologique. Rouges ou vertes avant maturité, les cabosses sont de forme allongée (diamètre inférieur à une demi-longueur), s’achevant en une pointe plus ou moins accentuée à l’extrémité inférieure. Leur écorce verruqueuse, mais mince (facile à fendre), est gravée de huit à dix profonds sillons. Les fèves sont grasses et rondes, aux cotylédons frais, de couleur blanche ; elles fermentent facilement et possèdent un arôme agréable et pénétrant. les cacaoyers criollos se reconnaissent aussi à leurs fleurs, d’un blanc immaculé, et aux huit à dix nervures que présentent leurs feuilles. ils donnent des cacaos à casse claire, de couleur cannelle après fermentation et séchage. Ce sont les cacaos les plus fins, les plus aromatiques, avec des notes de miel, de caramel, de noisette, et de saveur plutôt douce malgré une légère amertume. Si, au début des années 1990, ils ne représentaient plus que 10 % de la production mondiale de cacao, leur présence s’est encore réduite, vingt ans plus tard, à 1 %…

En 2010, les recherches (4), internationales (5), dirigées par Claire Lanaud, du CIRAD (6) de Montpellier, et portant sur un génome de la variété criollo, à partir d’un cultivar collecté au Belize, ont eu un double objectif : la préservation des qualités aromatiques et une meilleure résistance aux maladies fongiques. « La variété criollo est l’une des plus riches en arômes, expliqua Claire Lanaud (7), mais elle est aussi plus sensible à certaines maladies. Les producteurs actuels se sont donc tournés vers des variétés hybrides, plus résistantes, mais qui possèdent des arômes plus pauvres. » Le décryptage du génome (8) a révélé que le cacao a très peu évolué depuis ses origines. Il a permis d’identifier quelque 28 000 gènes, dont ceux impliqués dans la texture, les arômes ou l’amertume du chocolat. Ce qui autorise une exploration approfondie des « voies de synthèse de substances aromatiques ou antioxydantes comme les terpènes et flavonoïdes présents dans le cacao », tout comme de « la synthèse du stéarate, acide gras à longue chaîne du beurre de cacao qui le rend solide à température ambiante ». En outre, précise le même article de Sciences et Avenir (n°768, février 2011), ce séquençage « de l’ADN du cacaoyer a […] révélé un nombre réduit de gènes de défense par rapport à d’autres plantes pérennes telles que la vigne ou le peuplier, ce qui pourrait expliquer sa grande sensibilité aux infections par des champignons ou des virus. » C’est là une avancée scientifique considérable, qui permettra, lors de croisements avec des cacaos plus productifs, de vérifier instantanément, dans les hybrides créés, la présence des gènes responsables de la qualité aromatique du criollo, et guidera la mise au point de nouvelles variétés « au bénéfice des petits producteurs des pays en voie de développement », ainsi que le précise l’article de Nature Genetics.

(3)  Le sens du mot criollo est, en l’occurrence, « indigène », « natif » (John Hinchley Hart, Paul Press), et non celui de « sauvage » qu’on lui a souvent attribué. En 1902, lors de son séjour au Venezuela, Paul Preuss notait : « Le Criollo, appelé aussi “ Cacao Dulce ”, se trouve en plusieurs sous-variétés : 1° le Criollo legitimo, dont les fruit sont rouge-brun foncé et les amandes fraîches, violet vif ; 2° le Criollo amarillo, dont les fruits ont une écorce jaune et dont les amandes sont blanches. — Entre ces deux variétés, il y en a un troisième dont les fruits sont rouges ou jaunes, appelée “ Criollo Mestizo ” mais qui est très rare. »

(4) Publiées par la revue scientifique Nature Genetics, 26 décembre 2010.

(5) Le consortium comptait une soixantaine de partenaires appartenant à six pays. Parmi ceux-ci : Valrhona et Hershey.

(6) Centre International de Recherche en Agronomie pour le Développement.

(7) Le Monde, 28 décembre 2010.

(8) Commencé en août 2009, selon des techniques mises au point en 2008, il fut effectué pour l’essentiel au Genoscope d’Evry (Essonne), mais aussi à l’université de Penn State et au Cold Spring Harbor Laboratory (États-Unis). À noter qu’une autre équipe, essentiellement américaine et en majeure partie financée par Mars, menait parallèlement des recherches similaires sur le génome. Leurs résultats incomplets, mis en ligne, sur la toile, sans passer par leur publication dans une revue scientifique, ne furent pas validés par la communauté scientifique.

Les forasteros

 

Robustes, plus résistants aux maladies que les criollos, les forasteros (Theobroma cacao subsp. sphaerocarpum) constituent un groupe très diversifié. On les trouve à l’état sauvage dans les bassins des fleuves Orénoque et Amazone, jusqu’à la Guyane. Ils sont cultivés au Brésil, en Colombie, au Costa Rica, en République Dominicaine, en Équateur, au Venezuela, au Ghana, au Nigéria et en Côte-d’Ivoire (40 %). Appartiennent aussi au groupe des forasteros des variétés cultivées à Java et au Sri Lanka. Ils présentent des cabosses vertes, jaunes à maturité, de forme variable, généralement arrondie, à écorce lisse, peu ou pas sillonnée, et épaisse (difficile à fendre). Les fèves sont plus ou moins plates, aux cotylédons frais, pourpre foncé. Constituant plus de 80 % de la production mondiale de cacao, ils donnent les cacaos les plus courants, brun foncé après fermentation et séchage, de saveur standard, amère, et à arômes acides. À noter que les fèves de forastero sont souvent qualifiées de « en vrac » ou « ordinaires ». Enfin, les forasteros sont parfois divisés en deux types : « Haut-Amazonien » (9), sauvage ou semi-sauvage, tels que décrits par F. J. Pound (10) en 1938, et « Bas-Amazonien », caractérisé par une cabosse plus uniforme, dite amelonado (11). Le second type est aujourd’hui le plus cultivé, notamment en Afrique de l’Ouest et au Brésil.

(9) « Sous l’appellation de Haut-Amazoniens, on désigne plusieurs populations de cacaoyers appartenant au groupe-des Forastero et issus de cabosses récoltées par Pound, en 1937, dans différentes localités de l’Amazonie ; ils forment un groupe assez hétérogène dont l’introduction en Afrique est très récente (1944). Ces Haut-Amazoniens, qui sont auto-incompatibles, présentent pour l’amélioration des cacaoyers cultivés une importance primordiale. En effet, c’est au sein de ce groupe que l’on a découvert les gènes de résistance à plusieurs maladies des cacaoyers, ainsi que les “ facteurs complémentaires ” de vigueur des deux groupes précédents. Comparativement aux Amelonado et aux Trinitario, les Haut-Amazoniens se caractérisent par une vigueur et une précocité remarquables. À plus d’un titre, ils constituent une réserve génique de premier plan. » (P. Dublin, 1972.)

(10) En 1937-1938 et 1942-1943, cet agronome du département d’Agriculture de Trinidad, effectua des expéditions dans le bassin amazonien pour y collecter de nouvelles variétés de cacaoyers résistants au dévastateur balai de sorcière. Il observa une grande diversité au sein des cacaoyers sauvages d’Équateur. Il découvrit, par ailleurs, un forastero haut-amazonien, Scavina 6, d’une forte résistance au balai de sorcère.

Les trinitarios

 

Hybrides obtenus au XVIIIe siècle à Trinidad — d’où leur nom — par croisement à partir des criollos qui composaient les premières plantations de l’île et des forasteros originaires du delta du fleuve Orénoque ou de la région Bolivar au Venezuela, les trinitarios (12) ont été introduits à partir du début du XIXe siècle dans de nombreux pays, en raison de leur résistance aux maladies. Ils sont aujourd’hui cultivés en Amérique centrale et du Sud ainsi qu’à Madagascar, là où poussaient précédemment les criollos. Ils tendent à remplacer aussi les forasteros. « Les Trinitario ne sont bien représentés en Afrique qu’au Cameroun où, en mélange avec des Amelonado, ils constituent une part importante de la population cacaoyère de ce pays. Ils forment une population polymorphe, de grande diversité génétique, et dont certains individus sont auto-incompatibles. », note P. Dublin. Les caractéristiques des trinitarios sont intermédiaires entre criollos et forasteros pour ce qui est de la forme des cabosses, de la forme et de la couleur des fèves. Ils donnent des cacaos d’une flaveur plus fine que celle des forasteros et dont la teneur en matière grasse est élevée. Ce sont des cacaos fins de teinte plus claire que les forasteros. Ils constituent un matériel de choix pour le sélectionneur : les hybrides intéressants sont multipliés par voie végétative. Ainsi obtient-on des clones, dont certains sont très répandus. Les clones sont généralement baptisés du nom des organismes ou des centres de recherches où ils ont été sélectionnés. Ces sélection (13) et multiplication visent à la fois à améliorer les rendements, à obtenir des variétés plus résistantes aux maladies et aux parasites, et à améliorer la qualité des cacaos.

(12) En 1902, Paul Preuss distinguait des sous-variétés dans le cacao trinitario ou carupano : « 1° l’Angoleta ; 2° le Cundeamor que l’on distingue en Cundeamor legitimo, à écorce rouge, et en Cundeamor amarillo, à écorce jaune ; 3° le Carupano legitimo et ses sous-variétés, telles que le Carupano grande, le Carupano mestizo, etc. ; le fruit en est généralement rouge, mêlé plus ou moins de jaune ; 4° le Carupano parcho, dont le fruit est jaune verdâtre ou de nuance parchemin. 5° le Carupano taparito, jaune ou brun jaune ; 6° le Sambito, rouge ou jaune, fruits courts, gros, assez lisse ; 7° le Trinitario amargo ou “ Cojon de Toro ” à fruits rouges ou rouge-brun tout unis, arrondis ou se terminant en une pointe courte. »

(13) Il existe deux modes de sélection : la sélection clonale ou végétative, se fait à partir de boutures provenant d’un arbre aux caractères particulièrement intéressants ; la sélection générative par hybridation entre deux clones de caractères différents et complémentaires.

(14) Il faut sauver le chocolat ! », Le Monde, 14 octobre 2011.

Au cours de la fin du XXe siècle et du début du XXIe, de nouvelles techniques ont été mises au point, susceptibles de contribuer à la création de variétés améliorées permettant de meilleurs rendements. Des collections de plants ont été constituées, par exemp le à Trinidad. Depuis la fin des années 1970, les scientifiques se sont attachés à en analyser le matériel génétique, notamment par l’observation de ses caractères morphologiques. Le développement de la technologie du marqueur ADN a permis de mieux comprendre la diversité génétique de ces collections. Aujourd’hui, l’amélioration de la production des hybrides préoccupe chercheurs et planteurs. Cette préoccupation est d’autant plus vive que, dans les années 1970, un hybride « miracle », précoce, très résistant et de fort rendement, a été conçu par un chercheur, Homère U. Castro. Planté dès 1997, après les dévastations d’El Niño en 1995-1996 au Pérou et en Équateur, ce CCN-51, aussi baptisé Don Homero, s’est avéré rapidement productif : seulement après deux ans et avec une production quatre fois supérieure à celle habituelle. Au regard de sa médiocrité aromatique, les chocolatiers soucieux de qualité se sont émus de l’intérêt que lui portent certains pays, comme l’Équateur et l’Indonésie. « Le risque […] est de voir les industriels privilégier la quantité de cacao à la qualité, et s’accentuer le clivage entre une production de masse médiocre et une production de niche de qualité déjà constaté après la directive de 2003. », écrit Jean-Claude Ribaut (14), qui se réfère à un dossier de YAM-Le magazine des chefs (n°5-octobre 2011). En outre, l’aptitude de cet hybride à pousser en plein soleil est à l’origine d’une importante déforestation. Enfin, de nouvelles maladies voient le jour, qui requièrent des traitement chimiques jusque-là méconnus du cacaoyer.

Un nouveau regard sur les variétés de cacao

 

En 2008, des chercheurs (15), dont l’Américain Juan Carlos Motamayor et le Français Philippe Lachenaud, du CIRAD, proposèrent une classification fondée sur des critères morpho-géographiques et génétiques. Au lieu des trois variétés (criollo, forastero, trinitario) jusque là presque universellement reconnues par la communauté scientifique (voir plus haut), dix groupes furent retenus, baptisés d’après leur origine géographique ou d’après le nom du cultivar traditionnel. Cette classification reflète plus précisément la diversité génétique et, compte tenu des avancées scientifiques dans le domaine du cacao, peut être d’une grande utilité pour les sélectionneurs et les planteurs.

(15) Juan C. Motamayor, Philippe Lachenaud, Jay Wallace da Silva e Mota, Rey Loor, David N. Kuhn, J. Steven Brown et Raymond J. Schnell, Geographic and Genetic Population Differentiation of the Amazonian Chocolate Tree (Theobroma cacao L), dans PLoS One, vol. 3, no 10, 2008. Editeur : Justin O. Borevitz, University of Chicago (États-Unis). PLoS One est une revue scientifique, éditée quotidiennement en ligne par la Public Library of Science.

  • Theobroma cacao L. Amelonado Group : originaire d’Amérique du Sud (Guyane française, Brésil) ; naturalisé au Costa Ricca, en Colombie et en Équateur ; cultivé en Afrique de l’Ouest (Ghana).
  • Theobroma cacao L. Contamana Group : originaire d’Amérique du Sud (Brésil, Équateur, Pérou).
  • Theobroma cacao L. Criollo Group : originellement présent au Mexique, à Belize, au Costa Rica, au Nicaragua, à Panama, au Venezuela, en Colombie et en Équteur.
  • Theobroma cacao L. Curaray Group : originaire d’Équateur.
  • Theobroma cacao L. Guiana Group : présent en Guyane française et au Brésil (Arnapa, Pará).
  • Theobroma cacao L. Iquitos Group : présent au Brésil (Amazonas), en Colombie (Amazonas), en Équateur et au Pérou (Loreto).
  • Theobroma cacao L. MarañonGroup : présent au Brésil (Rondonia) et au Pérou (Loreto).
  • Theobroma cacao L. Nacional Group : présent en Équateur et au Pérou (Loreto).
  • Theobroma cacao L. Nanay Group : présent au Pérou (Loreto).

Theobroma cacao L. Purús Group : présent au Brésil (Acre, Amazonas), en Colombie (Amazonas) et en Équateur (Napo, Pastaza

Ce classement montre combien la théorie d’Ernest Entwistle Cheesman est proche des révélations du marqueur génétique : 70 % des groupes génétiques de Motamayor se situent dans la zone délimitée par Cheesman (voir note plus haut, p. 000). D’autre part, 80 % de ces groupes se situent dans le centre d’origine andin proposé en 1926 par le généticien et botaniste russe Nikolaï Vavilov (16).

(16) Nicolaï I. Vavilov (1887-1943), directeur de l’Institut national des plantes industrielles de Leningrad (Saint-Pétersbourg), est l’auteur de la théorie des centres d’origine des plantes cultivées. Il identifia huit centres d’origine, dont six dans les pays du Sud.