Gerbeaud
(Hongrie)
C’est en 1858 que Henrik Kugler, descendant d’une famille de pâtissiers et lui-même solidement formé au métier à la faveur d’un tour d’Europe des meilleurs établissements, ouvrit sa propre affaire à Pest, sur la place József (auj. place József Nádor). Ses gâteaux et ses glaces firent bientôt fureur… À telle enseigne qu’en 1870, il transféra sa confiserie-pâtisserie place Vörösmarty, non loin de la basilique Saint-Étienne. Fréquentée par les aristocrates et les artistes — Franz Liszt fut un de ses clients assidus —, celle-ci devint un rendez-vous mondain incontournable, réputé dans le monde entier. On venait y déguster un café viennois, accompagné de petits fours ou d’autres douceurs. L’impératrice Elisabeth d’Autriche ne manqua pas de visiter ces lieux lors de ses rares passages à Budapest.
En l’absence de descendance, Kugler trouva un successeur en la personne du Suisse Émile Gerbeaud (1854-1919), alors installé en France, à Saint-Étienne. Lequel s’établit dans la capitale hongroise en 1884, devint propriétaire de l’affaire peu après et la fit rapidement prospérer — de 25 personnes, son personnel passa à 150 avant 1900. Il était particulièrement renommé pour ses dragées au chocolat et ses griottes au cognac. Les chocolats, conditionnés dans une élégante boîte en bois, étaient expédiés aux quatre coins du monde. Son indéniable talent d’artiste, son souci de l’excellence, son grand esprit d’ouverture et sa profonde générosité à l’endroit des jeunes débutant dans la profession lui valurent à la fois des récompenses dans les grandes expositions et des décorations nationales pour services rendus. À sa mort*, au lendemain des turbulences de la Grande Guerre, il laissa cinq filles et son épouse, Edith, qui prit les rênes de l’entreprise, qu’elle géra jusqu’à sa disparition, en 1940. Puis, sous l’occupation soviétique, l’établissement fut nationalisé et rebaptisé Vörösmarty. Toutefois, en 1984, il devait retrouver son nom Gerbeaud… et le luxe de son âge d’or.
Aujourd’hui, à Buda, le musée de l’Hôtellerie et de la Gastronomie accorde une place de choix à Émile Gerbeaud, en évoquant la magnificence de sa maison et ses spécialités.
* On peut voir sa tombe au cimetière de Pest.
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