Nicaragua
Dans cette République d’Amérique centrale, enserrée entre le Costa Rica au sud et le Honduras au nord, l’océan Pacifique à l’ouest et la mer des Caraïbes à l’est, le cacao ne joue pas un rôle économique aussi important que dans les territoires voisins. Pourtant, le Nicaragua est le pays d’Amérique centrale qui possède le meilleur potentiel environnemental pour cette culture. Néanmoins, la culture cacaoyère constitue une activité traditionnelle, implantée historiquement dans les régions dotées d’un beau couvert forestier.
D’après Gonzalo Fernandez de Oviedo y Valdès, les indiens Nicarao, de langue nahua, introduisirent le cacao dans cette contrée, dont la population autochtone, composée de Chorotegas, ne se mit pas ensuite à le cultiver. À l’époque précolombienne, cette culture était limitée à la bordure Pacifique. Au milieu du XVIe siècle, elle était un peu pratiquée dans les régions de León et de Granada. Dans les années 1570, selon la Geografia y Descripción Universal de las Indias, de Juan López de Velasco, le cacao était cultivé près de Nueva Jaén, mais sans doute était-ce là à l’origine des cacaoyers sylvestres. La production suffisait, semble-t-il, à couvrir les besoins locaux.
Keystone View Company, publisher - 1903 - Library of Congress
Il en est fait mention dans les relations de divers voyageurs, tel, à la fin des années 1670, l’Anglais Lionnel Waffer, qui évoque la fertilité des terres autour de la ville de Nicaragua et note : « Dans toute cette Province on y recueille en abondance du sucre, de la teinture d’écarlate, gome, poix-raisine, du goudron & des bois pour les Navires, du chanvre du lin & du meilleur Cacao de toutes les Indes ; mais il ne sort gueres du pais à cause que ce fruit est le principal ingrédient qui entre dans la composition du Chocolat dont ils y font un usage excessif. » Sans doute les indigènes, qui, pourtant, apprêtaient le cacao en boisson (voir ce mot), n’apportèrent-ils pas assez de soins à leur production cacaoyère. Au tournant du XXe siècle, écrit Henry Jumelle, « la culture est si peu développée que les indigènes s’approvisionnent en Colombie. Le climat du pays est cependant, particulièrement favorable. Autour de Rivas (dans cette contrée où M. Menier (1) établit, en 1863, l’hacienda appelée le Valle-Menier), les cacaoyères sont si prospères que la ville, d’après M. Tonduz, est surnommée la mère du cacao ; et les plantations, paraît-il, réussissent mieux encore à Tortugas, sur les rives de la Sapoa, à la frontière du Nicaragua et de Costa-Rica. » Paul Preuss évoque, quant à lui, des plantations de taille moyenne dans la région de Granada, près du lac de Nicaragua, mentionne le Valle Menier et indique que la belle plantation Las Mercedes appartient à une firme de Hambourg. Toutes plantations qui devaient avoir recours à une irrigation artificielle en raison de la saison sèche (novembre-mai) longue et prononcée et qui se protégeaient du vent, en cette période, par des rangées ininterrompues de manguiers. Quant aux variétés alors cultivées, indique Paul Preuss en 1902, il s’agissait de « deux indigènes et deux importées ». « Les premières sont le “ cacao del pais ” plus rarement appelé “ Criollo ” et le Lagarto ; les deuxièmes sont, à Las Mercedes, le “ Cauca (2) ” de Colombie et le Trinitario de Trinidad ; à Valle Menier, on ne rencontre que le Trinitario. Ce dernier a été introduit dans les dernières années au Nicaragua par le directeur du jardin botanique de Trinidad en même temps que le Lagarto de Nicaragua fut importé à Trinidad et planté au jardin botanique. » Cette introduction du trinitario s’expliquait par sa croissance plus rapide et sa productivité supérieure, même s’il était de qualité inférieure.
Paris, Exposition Universelle 1889, Pavillon du Nicaragua
(1) « En 1862, E. Menier créait une plantation au Nicaragua en terrain irrigué. Cette plantation s’est beaucoup développée depuis, des cacaoyers de diverses îles des Antilles y ont été acclimatés. L’influence française s’est répandue dans cette région en même temps que notre industrie nationale trouva une matière première précieuse. » (Science et Travail, 1927.) Voir Menier.
(2) « On prépare le cacao Cauca et le Trinitario ensemble sous le nom de “ cacao estranjero ” = cacao étranger ; bien qu’on distingue immédiatement les graines du Cauca à cause de leur volume. » (Paul Preuss.)
(3) Región Autónoma del Atlántico Norte. Une des deux régions autonomes du Nicaragua.
(4) Marque de chocolat de la firme Alfred Ritter GmbH & Co. KG. (Waldenbuch, Allemagne).
Aujourd’hui, environ 6 500 hectares (contre 2 595 en 1979) sont consacrés au cacao, en petites parcelles d’un hectare en moyenne. Depuis le début du xxie siècle, au regard de la demande mondiale croissante et des prix attractifs du marché, le gouvernement a choisi d’encourager cette culture, à travers plusieurs programmes visant à créer de nouvelles plantations et à rénover les cacaoyères existantes. Sept zones de production sont concernées : Rancho Grande, Waslala, El Tuma-La Dalia ; El Triangulo Minero (Rosita, Bonanza, Siuna) ; Matiguas, Muy Muy, Rio Blanco ; El Rama, Muelle de los Bueyes, Nueva Guinea ; Rio San Juan (San Carlos, Sábalos, El Castillo ; Cua, Wiwili, San José de Bocay ; Granada y Rivas.
Au centre nord-est du pays, la municipalité de Waslala [RAAN (3)] est un des hauts lieux du cacao. Sans doute le doit-elle, comme la municipalité de Rancho Grande voisine, au fait que cette zone connut, à l’époque précolombienne, l’influence culturelle et linguistique des Mayas, et des Aztèques plus au nord. Enclavée, à égale distance du Pacifique et de la mer des Caraïbes, la municipalité de Waslala, où se sont maintenus des criollo et des trinitario, commença à cultiver le cacao à des fins commerciales en 1961. Elle accueillit des réfugiés pendant et après la guerre civile, dans les années 1980. Le cacao y prit une importance économique croissante à partir de 1991. La surface plantée couvrait en 2011 quelque 1 700 hectares, réparties en petites exploitations, excédant rarement 2 hectares, et elle fournissait plus de 50 % de la production nationale. Créée en 2000 à Waslala, la coopérative CACAONICA choisit de développer la culture biologique ; plus de 500 familles sont ainsi devenues les pionnières du cacao biologique au Nicaragua. En 2008, elle signa un accord avec l’Allemand Ritter Sport (4). Son cacao (140,329 t en 2008-2009) est, pour 90 % « bio ». La région de Rancho Grande (département de Matagalpa) est également un haut-lieu du cacao.
La production annuelle du Nicaragua a oscillé entre 500 et 600 tonnes entre 1960 et 1980, puis a décliné jusqu’à 200 tonnes en 1998, et remonte depuis 2001 : 550 t (2002-2003), 800 t (2003-2004), 970 t (2006-2007), 1 550 t (2008-2009), 1 742 t (2010-2011).
1968
Le cacao du Nicaragua
Issu du commerce équitable et de l’agriculture biologique, le cacao de Waslala est rond, avec des notes de fruits secs.