Costa Rica
La première mention du cacao dans ce pays d’Amérique Centrale, encadré par le Nicaragua, la mer des Caraïbes, le Panamá et l’océan Pacifique, est attribuée au xvie siècle à l’Adelantado Juan Vásquez de Coronado, qui, décrivant la province indienne de Quepo sur le versant Pacifique de la cordillère centrale, évoque le cacao parmi les denrées indiennes. Il semble qu’avant la Conquête, d’autres régions en produisaient : le Guatuso (province d’Alajuela), la péninsule de Nicoya et la vallée du rio Sixaola. D’après John F. Bergmann (1969), le Guatuso, sis au centre nord du Costa Rica et habité par les Indiens, connaît le breuvage chocolat depuis très longtemps ; en témoigne le rituel consistant à en faire l’offrande au dieu du soleil.
Les Espagnols s’employèrent à développer la culture cacaoyère dans ce pays. La vallée de Matina fut l’une des principales zones cultivées, à partir de 1670 ; les plantations se concentrèrent le long des bassins des fleuves Reventazon, Matina et Barbilla. D’après Juan Carlos Solórzano Fonseca (1), on comptabilisait au début du XVIIIe siècle quelque 78 500 arbres répartis entre 55 haciendas ; « les propriétaires de ces fermes étaient tous des habitants de la villle de Cartago. C’est ainsi que, du point de vue commercial et économique, la vallée de Matina se trouvait parfaitement en phase avec la capitale de la province. Pourtant, les propriétaires fonciers ne se déplaçaient vers la région caraïbe qu’au moment de la récollte. » En 1741, le gouverneur Juan Gemmir y Lleonart y dénombrait 144 haciendas et 189 869 arbres. Le cacao fut le principal produit d’exportation de la vallée de Matina pendant la première moitié du XVIIIe siècle. Le commerce du cacao se faisait alors essentiellement avec le Nicaragua. Bien que cette région caraïbe eut connu une relance de cette culture après que sa production eut à souffrir des incursions de pirates, elle se trouva confrontée à divers problèmes, et la cacaoculture fut abandonnée vers 1803. Elle ne renaquit que plusieurs décennies plus tard grâce à l’appui étatique et grâce à l’établissement du chemin de fer jusqu’aux vallées de La Estrella et de Matina.
(1) Une petite province coloniale : le Costa Rica pendant la première moitié du XVIIIe siècle, dans Des Indes Occidentales à l’Amérique Latine, textes réunis par Alain Musset et Thomas Calvo, vol. 1, Centro de estudios mexicanos y centroamericanos. avril 2013. [http://books.openedition.org/cemca/1377.]
(2) Chocolaterie artisanale créée en 1997 à San Francisco par un passionné de chocolat, Robert Steinberg, qui n’avait commencé à fabriquer du chocolat qu’en 1994, et un fabricant de vins, John Scharffenberger. L’objectif de l’entreprise était de produire le meilleur chocolat à partir des meilleures fèves que la nature puisse produire. Cette chocolaterie fut reprise par Hershey en 2005. Fidèle à sa politique initiale, elle est très impliquée dans le développement durable et les problèmes de déforestation.
À la fin du XIXe siècle, le gouvernement encouragea la cacaoculture en accordant des primes, et la production s’en ressentit (30 tonnes en 1888). Au début du XXe siècle, le pays bénéficia du boom cacaoyer que connut l’Amérique centrale. C’est la puissante société qui gérait les exportations de bananes vers les États-Unis, l’United Fruit Company, qui implanta des cacaoyers sur le littoral atlantique. Cette culture était aussi pratiquée dans les plaines de San-Carlos. Une des meilleures variétés était alors celle de Matina, dans la province de Limón. En 1909, les exportations, débutées quelques années plus tôt, atteignirent déjà 350 tonnes, en partance du port de Port Limón, et principalement à destination de l’Angleterre et de l’Amérique du Nord. À partir des années 1930, la production s’éleva à plus de 6 000 tonnes. Mais les fluctuations du cours du cacao furent bientôt préjudiciables à cette nouvelle culture. D’après l’I.C.C.O., entre 1940 et 1970, le cacao constitua la plus importante culture du Costa Rica. Toutefois, à la fin des années 1970 sévit la moniliose, et 30 % de la récolte furent perdus. À ce là s’ajouta la concurrence croissante de l’Afrique de l’Ouest, qui utilisait une main-d’œuvre d’un moindre coût. Au regard de ces facteurs, les planteurs se tournèrent vers la banane ; et, pour son implantation, ils abattirent des pans entiers de la forêt primaire. En 1993, le gouvernement costaricain, inquiet de l’ampleur de cette déforestation, fit signer un engagement aux producteurs de bananes, selon lequel ils y mettaient un terme. Des organismes s’en émurent. Jusqu’au Milwaukee Public Museum (Wisconsin, États-Unis) qui, spécialisé dans la biodiversité biologique en Amérique Centrale et déjà impliqué dans des programmes de conservation de la nature au Costa Rica, lança, en 2003, un projet Cacao de Vida pour venir en aide aux petits planteurs de ce pays. À cette fin, le musée décida de créer et de commercialiser une tablette de chocolat noir, dont il confia la fabrication au chocolatier Scharffen Berger Chocolate Maker (2) (San Francisco, Californie, États-Unis), le cacao provenant de la plantation d’Hugo Hemelink, le plus gros producteur du Costa Rica.
Aujourd’hui, le cacao est cultivé dans toutes les zones humides, de basse alttitude : la région Huétar Atlántica (Talamanca, Guápiles), la région Huétar Norte (Upala, Bijagua, Guatuso) et la région Brunca. Le rendement est, en moyenne, de 356 kg à l’hectare. Il varie de 100 kg dans la région de Talamanca à 900 kg dans la zone de Guápiles. Les cacaoyères les plus anciennes, des années 1970 et 1980, sont durement affectées par la moniliose et, de ce fait, présentent une productivité très basse, alors que les plantations commerciales modernes (à Guápiles et à Upala, par ex.) disposent de programmes de recherche génétique et sont très producttives. Le matériel génétique disponible est de variété trinitario, considérée comme « cacao fin » si la fermentation est correctement effectuée. Au début des années 2010, quelque 2 000 familles se consacraient à la culture cacaoyère, une large part d’entre elles pratiquant parallèlement des cultures de subsistance. Environ 1 200 familles, à Talamanca, et une centaine, à Upala, étaient regroupées en coopératives cacaoyères. En revanche, les petits planteurs du Sud travaillaient isolément. Dans l’ensemble, la culture cacaoyère est typiquement organique, et le cacao est, en grande partie, certifié comme tel.
Le secteur cacaoyer est la préoccupation de l’association Cámara Nacional de Cacao Fino de Costa Rica (CANACACAO), créée en 2007 par douze associations et entreprises désireuses de convertir leur pays en un producteur mondialement reconnu sur le marché du cacao de haute qualité. Or ce secteur est confronté aux priorités suivantes : la nécessité d’une rénovation génétique, une amélioration des pratiques culturales, la lutte contre les maladies, une plus grande densité des plantations et une fertilisation adéquate, une amélioration de la fermentation et du séchage des fèves, qui s’avèrent insuffisants. Avec le partenariat de certains organismes officiels, la CANACACAO œuvre sans lasse pour le développement et l’optimisation qualitative du cacao costa ricain. De son côté, le ministère de l’Agriculture a initié un Programa Nacional de Cacao. D’autre part, diverses associations non gouvernementales s’intéressent activement au cacao du Costa Rica.
La transformation industrielle du cacao est entre les mains de quelques grosses entreprises (Costa Rican Cocoa Products Company, La Cía Nacional de Chocolates de Colombia, Finca Finmac, Kraft Foods, Puratos, etc.). Les exportations se répartissaient en 2011 en produits finis (82 %), fèves de cacao (7 %) et produits semi-finis (11 %), et les importations, en produits finis (72 %) et produits semi-finis (28 %).
Costa Rica :
production de cacao
en milliers de tonnes
1905-06 0,176
1906-07 0,277
1907-08 0,340
1960-61 10,600
1961-62 12,600
1962-63 10,700
1963-64 10,200
1964-65 7,600
1965-66 9,300
1966-67 7,200
1967-68 9,100
1968-69 4,800
1969-70 4,200
1970-71 7,300
1971-72 5,000
1972-73 6,600
1973-74 5,919
1974-75 6,609
1975-76 5,855
1976-77 7,694
1977-78 10,381
1978-79 10,365
1979-80 5,266
1980-81 5,049
1981-82 3,545
1982-83 2,161
1983-84 4,139
1984-85 4,451
1985-86 3,857
1986-87 3,592
1987-88 3,976
1988-89 4,270
1989-90 3,500
1990-91 3,400
1991-92 3,000
1992-93 2,800
1993-94 2,000
1994-95 2,000
1995-96 2,000
1996-97 0,800
1997-98 0,849
1998-99 0,888
1999-2000 0,708
2000-01 0,708
2001-02 0,708
2002-03 0,708
2003-04 0,708
2004-05 0,343
2005-06 0,450
2006-07 0,555
2007-08 0,593
2008-09 0,650
2009-10 0,665
2010-11 0,690
2011-12 ???
2012-13 ???
(Source : FAO.)
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