Philippines
Cet archipel fut le premier pays d’Asie à cultiver le cacaoyer. « On a porté de la Nouvelle-Espagne aux Philippines la plante du cacao. Quoiqu’il n’y soit pas aussi bon, il s’y est assez multiplié pour dispenser les habitans d’en faire venir de l’Amérique. », indiquait Jean-François de La Harpe dans son Abrégé de l’Histoire Générale des Voyages (1780). De fait, le cacaoyer fut introduit dans les îles Philippines en 1670, par un marin espagnol, Pedro Bravo de Lagunas. Il fut d’abord cultivé à San Jose (province de Batangas). Et c’est des Philippines que l’arbre passa ensuite dans les colonies néerlandaises et dans les indes orientales.
« Les Espagnols ne pouvaient oublier de planter le cacaotier, dans toutes leurs colonies entre les tropiques : cet arbre est donc cultivé aux Philippines, mais il est trop rare pour suffire à la consommation du pays. L’Amérique est encore en possession de fournir à tout l’archipel la plus grande partie de cet aliment de première nécessité pour la nation espagnole, en Europe aussi bien que dans les lieux où elle a formé des établissements. », pouvait-on lire dans l’Asiatic Journal au début du XIXe siècle (1). Il est intéressant de noter que, alors que le Nouveau Monde ne pouvait entretenir de relations commerciales qu’avec l’Espagne, seules les Philippines, qui relevaient de la vice-royauté de la Nouvelle-Espagne, faisaient exception. Comme le relate Alexandre de Humboldt, un galion assurait la liaison entre Manille et Acapulco. Chargé à Manille de « mousseline, toiles peintes, chemises de cotonnades grossières, soies écrues, bas de soie de Chine, ouvrages d’orfèvrerie faite à Canton ou à Manille par des chinois ; épiceries et aromates », toutes marchandises distribuées dans la Nouvelle-Espagne, le galion repartait d’Acapulco avec une cargaison constituée de « barres d’argent », de « piastres », ainsi que « en une très petite quantité de cochenille d’Oaxaca, en cacao de Guayaquil et de Caracas, en vin, huile et lainages d’Espagne. »
(1) Aperçu de l’état politique, agricole et commercial des îles Philippines, rapporté par la Revue Britannique, tome 20, 1828.
La cacaoculture commerciale ne débuta aux Philippines qu’au milieu des années 1950. Elle s’implanta et se concentra dans l’île de Mindanao. Les années 1960 virent la création d’usines de transformation des fèves. L’essor remarquable que connut le cacao philippin au milieu des années 1980 allait être freiné à la fois par un plan de réforme agraire, qui, à partir de 1992, généra le fractionnement des cacaoyères en petites exploitations, et par les graves dévastations dues au « foreur de cabosses ». La production ne cessa de décliner chaque année, les surfaces exploitées passèrent de 10 845 ha en 2004 à 9 751 ha en 2008 (d’après le BAS, Bureau philippin de la statistique agricole). En 2008, les régions cacaoyères étaient, par importance décroissante : dans l’île de Mindanao, la région de Davao (66 %), la partie septentrionale (11 %), la région de Caraga, au nord-est (4 %) et la péninsule de Zamboanga (3 %) ; la partie orientale du groupe d’îles des Visayas (3 %). Depuis 2008, le cacao est considéré comme une culture prioritaire par le ministère de l’Agriculture. Une organisation non gouvernementale, la Cocoa Foundation of the Philippines, s’est fixé pour mission de relever l’industrie cacaoyère du pays, tant au niveau des problèmes qui entravent le développement de la culture qu’aux stades de la transformation et de la commercialisation. D’autant que les possibilités d’expansion de la cacaoculture sont importantes. Le cacaoyer se prêtant à la culture mixte, quelque 2 millions d’hectares consacrées à la noix de coco pourraient accueillir une intercalation avec le cacaoyer.
Sa production ne répondant pas aux besoins des transformateurs locaux, les Philippines doivent importer du cacao. Ses fournisseurs sont, notamment, l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, les États-Unis, la Chine, Hong Kong, le Canada, les Pays-Bas, etc. Au regard du programme de redressement mis en place, les producteurs prévoient de cesser toute importation en 2015. Le pays exporte du cacao et des produits semi-finis, ainsi que de la confiserie chocolatée. La moitié des exportations consiste en beurre de cacao. États‑Unis, Thaïlande, Hong Kong, Taïwan, Malaisie, Singapour, Chine, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Australie et France furent les principaux acheteurs de cacao aux Philippines en 2008. De grosses entreprises étrangères, notamment américaines, contrôlent 80 % du marché du chocolat philippin.
« Les acheteurs et concasseurs extérieurs à contrats fermes de l’Asie du Sud-Est préfèrent le cacao philippin au cacao ouest-africain à cause des coûts, de la production biologique, de l’augmentation des revenus de l’État et de l’amélioration du bilan du commerce agricole. Le gouvernement devrait instituer une norme nationale pour cette culture avec une surveillance de la qualité des fèves, une intégration de toutes les activités de recherche-développement, une étude des moyens de récupération des déchets de postrécolte et la mise au point de nouvelles technologies. L’industrie cacaoyère locale vise pour les prochaines années à prendre sa place comme exportation agricole de premier plan aux Philippines. » Ainsi Danica Iza P. Ching (1) conclut-elle son étude Aspects aigres-doux de l’industrie philippine du cacao.
(1) Chercheuse au Center for Food and Agri Business, Université de l’Asie et du Pacifique. L’article a été publié en janvier 2010 dans la revue mensuelle du Center for Food and Agri Business, Food and Agri Business Monitor, Université de l’Asie et du Pacifique, Pasig, Philippines.
Philippines : production de cacao
en milliers de tonnes
1960-61 3,200
1961-62 3,400
1962-63 3,500
1963-64 4,180
1964-65 4,011
1965-66 4,000
1966-67 3,500
1967-68 4,100
1968-69 4,400
1969-70 4,300
1970-71 3,600
1971-72 3,500
1972-73 3,600
1973-74 4,100
1974-75 3,313
1975-76 3,200
1976-77 2,944
1977-78 3,082
1978-79 3,827
1979-80 4,141
1980-81 4,125
1981-82 5,348
1982-83 5,473
1983-84 4,834
1984-85 6,066
1985-86 6,642
1986-87 8,848
1987-88 9,092
1988-89 9,364
1989-90 9,848
1990-91 9,584
1991-92 7,537
1992-93 7,707
1993-94 7,945
1994-95 7,927
1995-96 7,895
1996-97 7,844
1997-98 7,387
1998-99 7,667
1999-2000 6,628
2000-01 6,531
2001-02 5,803
2002-03 5,693
2003-04 5,648
2004-05 5,679
2005-06 5,415
2006-07 5,237
2007-08 5,149
2008-09 5,134
2009-10 5,019
2010-11 4,856
2011-12 ????
2012-13 ????
[Source : FAO.]