La cabosse,  fruit du cacaoyer

 

 

 

Diosa del Cacao,  céramique - période classique tardive (600 – 900) région de la côte Pacifique - Museo Popol Vuh,  Guatemala Ciry.

Ek Chuah - the mayan monkey god of cocoa. Censer lid, Toniná Site Museum, Chiapas.  Phot. Bob Schalkwijk.

L’orthographe initiale fut caboce. Ce terme, dont l’usage est attesté en 1752, tirerait son origine de la relative similitude de forme entre le fruit et la tête, dite caboche en langage populaire. Le XVIIIe siècle parle de « cosse, ou plutôt gousse » (Dictionnaire portatif de commerce…, 1770). En espagnol, le mot mazorcas fut le premier employé pour désigner les cabosses ; c’est celui qu’utilise, au XVIe siècle, Gonzalo Fernández de Oviedo y Valdès dans son Historia General y Natural de las Indias.

La cabosse doit à sa forme ovoïde d’avoir autrefois été comparée à un concombre ou à un melon — « Le Cacao […] produit depuis la surface de la terre jusqu’à ses plus hautes branches une espece de Coco grenu de la forme d’un grand concombre d’un gris brun. » (Lionnel Waffer, 1706). Cette cabosse mesure de 14 à 20 cm de longueur et de 7 à 10 cm de diamètre, pèse selon les variétés de 200 à plus d’un kilogramme (400 à 500 g en moyenne). Son épaisse enveloppe, couverte de tubérosités, est gravée de cinq à dix sillons longitudinaux, plus ou moins accusés. Sa couleur varie suivant les variétés de cacaoyers. Avant maturité, elle peut être verte, rouge-violet plus ou moins foncé, vert pigmenté de rouge-violet ; à maturité, le vert vire au jaune, le rouge-violet à l’orange, en conservant parfois une pigmentation. Elle contient de 25 à 50 graines (fèves ou amandes de cacao), à peau violette, réparties en cinq rangées longitudinales, au sein d’une pulpe mucilagineuse, blanchâtre, assez épaisse et de goût acidulé. Le poids moyen des fèves fraîches est de 100-120 g.

Indien tenant une cabosse,

sculpture aztàque, v. 1200-1521,

National Antropology and History Museum, Mexico .

On distingue aujourd’hui quatre formes de cabosses :

  • l’amelonado (de « melon ») est produit en Amazonie et à Saõ Tomé. De surface lisse ou légèrement verruqueuse, marquée de sillons peu profonds, sa cabosse ovale s’arrondit à l’extrémité, tel un melon d’Espagne — d’où son nom. Son diamètre peut atteindre les trois quarts de sa longueur. Sur un sol favorable, l’arbre produit au bout de cinq années. Le cacao, aux petites fèves (généralement moins d’un gramme), est doux et fruité, moins amer et plus parfumé que celui des autres forasteros. L’amelonado d’Afrique de l’Ouest est robuste et productif. Son arôme chocolat est basique. À noter que John Hinchley Hart considère l’amelonado comme une sous-variété du forastero. Opinion que ne partage pas Paul Preuss qui, s’il la dit valable pour Trinidad, estime que, d’une manière générale, l’amelonado est « un type intermédiaire entre le forastero et le calabacillo ». C’est dire la confusion qui a longtemps régné entre les divers classements ;
  • le calabacillo (de « calebasse »), qui se rencontre aussi parmi les forasteros, présente un petit fruit, une forme plus arrondie encore, une surface lisse et des sillons faiblement marqués. Les graines, d’un violet foncé, sont très aplaties, plutôt triangulaires et très serrées ;
  • l’angoleta, qui est surtout présent dans les trinitarios, se caractérise par une forme allongée se terminant par une extrémité en pointe large, par des sillons très marqués et par une surface très verruqueuse ;
  • le cundeamor, propre aux criollos et aux trinitarios, est de forme allongée, mais plus ovale que le précédent. Son diamètre correspond à environ la moitié de sa longueur. Son extrémité est pointue, et sa base, « rétrécie en goulot de bouteille ». Sa surface très verruqueuse est gravée de sillons profonds. Sa couleur verte devient jaune à maturité. Comme l’explique Henri Jumelle, « Ce terme de cundeamor est dérivé du nom espagnol du fruit du Mormodica Charantia, dont la surface a un aspect verruqueux spécial. On peut donc traduire : fruit ressemblant à celui du Momordica Çharantia. »

 

Il convient de noter que De Quélus indique qu’à son époque, les « cosses », une fois vidées des graines, étaient jetées dans la cacaoyère « pour lui servir d’amandement & d’engrais, quand elles sont pourries, à peu près comme les feuilles de la dépouille des arbres leur servent de fumier continuel. »

Les images de la cabosse

 

Bas-reliefs de monuments, peintures murales, céramiques, codices… Les cabosses figurent dans diverses compositions précolombiennes, ici associées à des élites buvant la boisson qui en était tirée, là poussant à même le corps de divinités, féminines ou masculines (Museo Popol Vuh, Universidad Francisco Marroquín, Guatemala), là encore prolongeant le cordon ombilical d’une dieu (Indianapolis Museum of Art). Le couvercle d’un vase anthropomorphique maya en terre cuite (32 x 42 cm, Museo Nacional de Arqueología y Etnología, Guatemala City), provenant de la côte méridionale du Guatemala et daté de la période 250-450, est curieusement modelé : un buste de femme émerge d’un empilement de fèves de cacao (en forme de demi-cabosse) ; des fèves sont collées à sa peau, et elle tient entre les mains un petit bol contenant des cabosses.

Sur le pourtour d’un vase tripode mexicain en terre cuite (15,6 x 16,4 cm), provenant de Teotihuacan et daté du Xolalpan tardif (550-650), figurent des oiseaux sur des cacaoyers portant cabosses (Museum of Fine Arts, Houston, Texas, États-Unis). Daté de la période maya 600-900, un dessus de vase en terre cuite figuranMuseo Popol Vuh, que forma parte de la Universidad Francisco Marroquín en Guatemala.Museo Popol Vuh, que forma parte de la Universidad Francisco Marroquín en Guatemala.t une divinité, portant à la ceinture une cabosse, est conservé à l’Indianapolis Museum of Art (États-Unis). Une statue aztèque d’un homme tenant une cabosse de cacao est conservée au Museo Nacional de Antropología de Mexico. Les exemples sont nombreux.

D’intéressantes gravures du XVIIe et du XVIIIe siècles montrent déjà bien la structure de la cabosse. Pour n’en citer que quelques-unes : celle de Charles Plumier (Plantes de la Martinique et de la Guadeloupe. Avec des plans et des figures de sauvages de ces pays, dessinés, coloriés et décrits par le Père Plumier, 1688) [ci-dessous, à droite], ou celle de Henri Strick (1720), qui montre « une Cosse de Cacao representée au tiers à peu prés de sa grandeur naturelle », ainsi que la coupe de cette « cosse », l’« amande » et les « fleurs de cacao en bouton et épanouiés ».

A gauche, illustration de Mark Catesby, ca 1722,
extraite de The natural history of Carolina, Florida, and the Bahama Island

Au centregravure de  Pierre Jean François (P.J.F.) Turpin (1775-1840)

Au centre, illustrations de Berthe Hoola Van Nooten, 1880

A droite , illustrations de Maria Sibylla Merian, 1791

L'écabossage

 

L'opération consiste à ouvrir les cabosses et à en extraire les fèves. L’écabossage intervient généralement un à deux jours après la cueillette. Syn : vx. écossage. angl. : shelling, breaking. « L'écossage des cabosses et l'extraction des graines du cacao est une opération très rapide ; on compte qu'un bon casseur, assisté de 3 ou 4 femmes, qui retirent les graines des cabosses brisées, peut fournir 5 à 600 kilos de cacao sec par journée de travail. », indiquait Aimée Faichère en 1906 à propos de ce travail à Trinidad, où, après la cueillette, les cabosses étaient disposées en tas (pilos) par les femmes. À la même époque, au Mexique, « les fruits récoltés sont d'abord mis en tas au pied des arbres, puis portés au quehradero (briseur), où on les ouvre, soit immédiatement, soit après vingt-quatre heures. Les fèves extraites des gousses, sont jetées dans des auges en bois, ou tollas, à moitié remplies d'eau, et y sont lavées ; elles passent de là dans les maisons de fermentation. » (Henry Jumelle.)