Cailler

(Suisse)

Le plus ancien chocolatier helvétique

La chocolaterie suisse créée par François-Louis Cailler (Vevey 1796 - id. 1852) est aujourd’hui intégrée au groupe Nestlé. Il semble qu’avant 1803 existait déjà au lieu-dit En Coppet, sur la commune de Corsier-sur-Vevey, une petite fabrique de chocolat, dans une maison, au nord de la ville. Quoi qu’il en fût, en 1819, François-Louis Cailler, issu d’une vieille famille veveysanne, y créa une affaire de fabrication et de commerce de cacao et de chocolat. Il aurait découvert le chocolat à une foire annuelle, où des chocolatiers italiens faisaient une démonstration de leur savoir-faire, et en fut tant séduit qu’il apprit le métier, quatre années durant, au sein de la chocolaterie Caffarel, àTurin. Ayant observé en Italie du Nord l’énorme travail que constituait le broyage du sucre et du cacao à la main,deretouren Suisse, il conçut une broyeuse faite de deux cylindres de pierre tournant à la même vitesse, qu’il perfectionna peu à peu et qui préfigura la conche de RodolpheLindt.Son chocolat se présentait sous forme de petits pains, en un temps oùles Italiens façonnaient encore leur chocolat à la main, en boudins de différentes longueurs. Il mit rapidement au point des « spécialités » mariant pâte de cacao, sucre et vanille ou cannelle. Son souci était alors de produire mécaniquement un chocolat plus fin et d’un prix plus abordable que le chocolat obtenu par les moyens artisanaux traditionnels. Ce dernier objectif ne fut pas immédiatement réalisable dans la mesure où, à cette époque, l’approvisionnement en fèves de cacao était coûteux, du fait d’un grand nombre d’intermédiaires, et où la traversée de pays sujets à des turbulences politiques constituait une entrave d’importance. Néanmoins, ses produits de « pur caraque » ou de « commun sucré » (1) connurent un vif succès, et cela même au-delà des frontières. Talleyrand ne fut-il pas un de ses clients ?

À sa mort, Cailler laissa deux fils mineurs, Alexandre (qui allait mourir en 1865 (2) et Auguste (3). Son épouse géra donc la chocolaterie, dans l’attente de leur majorité. « En 1853 (1863), celle-ci s’installa de l’autre côté de la Veveyse, au lieu dit “ En Clergère ”, à proximité d’une force motrice imposante pour l’époque et de la nouvelle voie de chemin de fer », précise Jean de Heer (4). En dépit de cette situation favorable, l’affaire connut des hauts et des bas, jusqu’à ce que, en 1888, Alexandre junior (5), formé au métier à Turin et en Allemagne, prenne les rênes de la petite entreprise (8 employés et 2 machines). Son beau-frère, Jules Bellet (6), vint bientôt se joindre à lui pour la partie technique. Àpartir de 1895, année où Cailler et Bellet constituèrent une société en nom collectif, la firme se lança dans la fabrication du chocolat au lait, cette invention de Daniel Peter (7) appelée à devenir l’image de marque de la chocolaterie suisse. Elle développa une technique originale de fabrication ; la pâte faite de cacao dégraissé et de lait frais condensé conférait au chocolat un goût lacté prononcé, qui le différenciait des articles concurrents — aujourd’hui, le lait frais condensé reste indissociable de la marque. Par ailleurs, la Société en commandite F.-L. Cailler et Cie devait s’agrandir, tout en restant fidèle à la qualité prônée par son fondateur. Aussi, en 1898 fut édifiée, au cœur des alpages gruyériens, la fabrique de Broc (canton de Fribourg), d’une capacité de production deux fois supérieure à celle de Vevey et qui entra aussitôt en activité, avec 120 ouvriers. « Les eaux de la Jogne furent détournées sur la rive droite, au moyen d'un tunnel, long d'un kilomètre environ, débouchant vis-à-vis des usines. On eut ainsi une chute de 44 mètres de hauteur, procurant à l'aide d'installations hydro-électriques, une force de plus de 2,000 HP. Les usines elles-mêmes furent construites et équipées tout spécialement pour la fabrication du chocolat au lait, et installées suivant les données les plus modernes, tant au point de vue de l'agencement industriel et mécanique qu'au point de vue de l'hygiène, de la salubrité et du bien-être du personnel. » [Émile Savoy (8).] L’usine de Vevey ferma alors ses portes. Deux ans plus tard, la chocolaterie devint « Société Anonyme des Chocolats au Lait F.-L. Cailler ». En 1905, elle comptait 1 373 employés… Six ans plus tard, en 1911, elle allait rejoindre la Société Générale Suisse de Chocolats Peter et Kohler réunis, et la nouvelle société fut baptisée « Société Peter, Cailler, Kohler, Chocolats Suisses S. A. » (PCK). Cette fusion, effectuée sur un pied d’égalité, fut, semble-t-il, inspirée par l’appui de Nestlé et sa contribution dans l’essor des chocolats Peter et Kohler sur les marchés d’exportation (notamment, Grande-Bretagne, France, Allemagne, États-Unis), ainsi que par la place moindre que Cailler occupait hors de la Suisse. La production de l'établissement de Broc évolua de 101,000 kg en 1898 (3 mois) et 350,000 kg en 1899 à 1,585,000 kg en 1902 et 6,500,000 kg en 1912. Les imbrications d’affaires entre la PCK et la Nestlé & Anglo-Swiss Condensed Milk Co. devaient se renforcer pour déboucher, en 1929, sur une fusion d’intérêts qui allait profiter à tous ses acteurs. Et désormais l’histoire de la marque « Cailler » allait se confondre avec celle du groupe Nestlé.

(1) Jean Heer, Nestlé, Cent vingt-cinq ans, de 1866 à 1991, 1991.

(2) Il laissa derrière lui un fils, Alexandre, né en 1866, quelques mois après sa mort.

(3) Il n’eut pas de descendant.

(4) Nestlé, Cent vingt-cinq ans, de 1866 à 1991, 1991.

(5) Il mourut en 1936.

(6) Il mourut en 1904.

(7) Oncle d’Alexandre. Fanny, fille de François-Louis Cailler, avait épousé Daniel Peter en 1863.

(8) Chocolatier de la fabrique des chocolats au lait, F.-L. Cailler, à Broc (canton de Fribourg, Suisse), 3série, 21fascicule, Les Ouvriers des Deux Mondes, publiés par la Société d'Économie Sociale, Paris, 1913.

Anon., 1920.

Bénéficiant des nouvelles technologies, la fabrication ne cessa de se moderniser jusqu’à nos jours, pour aboutir à une chaîne continue, entièrement robotisée, de la fève de cacao à la présentation finale. En 1995, l’usine de Broc obtint sa certification ISO 9002, standard attestant une gestion globale de qualité. Directement rattachée à Nestlé Suisse S.A. (Vevey), filiale opérationnelle du groupe Nestlé, elle est aujourd’hui l’unique chocolaterie du groupe en Suisse. À l’unité de recherche chocolatière ouverte à Broc dans les années 1970 succéda le groupe de développement (Applications Group), qui jouit du soutien du Centre R&D Chocolat du Groupe Nestlé et qui est chargé à la fois d’améliorer les procédés et les produits et de maintenir une production diversifié

Cailler est la plus ancienne marque helvétique, commercialisée sans interruption depuis 1819. Elle conserve les codes « couleur » qu’elle fut la première à instaurer et qui fit école : le rouge pour les articles fondants, le mauve associé au chocolat au lait. Parmi ses produits, « le chocolat passion » Frigor, dont l’emblème, liée à cette devise, est un couple s’étreignant dans un fougueux baiser, se présente en petits carrés-bouchées fondants, pralinés, etc. Le chocolat au lait Rayon, en tablettes, se caractérise par ses éclats de nougat au miel et sa texture aérée. La marque Fémina, destinée spécifiquement au public féminin, désigna les pralinés tendres Cailler dès 1914 ; déposée en 1925, puis lancée sur le marché en 1931, elle est devenue une marque renommée en Suisse. Au fil des années, l’assortiment de pralinés suivit l’évolution des goûts et compta jusqu’à seize variétés, dans les années 1960. Il devait retomber à sept pralinés, habillés d’argent, ces bonbons étant proposés dans l’élégante boîte bleue, conçue dans les années 1950. Quant aux bonbons à la griotte Cailler Party, spécialité aux cerises et à la liqueur fabriquée à Broc, ils demeurèrent un des produits phares. En 1999, la marque s’élargit aux Perles Fémina, petites perles de praliné aux noisettes enrobé de chocolat au lait, pesant environ 6,25 g.

En 2006, Nestlé souhaita que sa filiale suisse, « société origine du groupe », qui employait alors quelque 2 200 personnes sur neuf sites, « joue un rôle de moteur dans le développement de produits innovants ». D’où la stratégie mise en place pour relancer la marque, alors revisitée en « Cailler of Switzerland ». L’architecte français Jean Nouvel et le chef cuisinier espagnol Ferran Adrià (9) furent chargés d’adapter les produits existants aux exigences nouvelles des consommateurs, tant pour la recette que pour la présentation. Nestlé Suisse S. A. devait annoncer : « Les produits classiques Ambassador, Frigor, Fémina, ainsi que les tablettes et les branches ont été transposés dans un nouvel univers à l’esthétique moderne conçu par Jean Nouvel. Elles seront commercialisées dès la fin du mois de février. Les nouveautés développées dans le laboratoire de recherche culinaire de Ferran Adrià seront lancées sur le marché à l’automne. » (10) C’était là méconnaître les réactions de nombreux consommateurs et distributeurs, réfractaires au changement. D’autant qu’une hausse des prix allant jusqu’à 30 % intervenait, que les carrés Frigor ne pesaient plus que 7 g au lieu des 7,5 g et que les nouveaux emballages, entièrement en plastique (au lieu du carton précédemment utilisé), généraient un surcroît de déchets non recyclables. La polémique autour de cette nouvelle ligne fut vive, entretenue par la Fédération Romande des Consommateurs (FRC). Mais les gourmands furent au rendez-vous…

(9) Restaurant El Bulli, haut lieu de l’avant-garde gastronomique, sis près de Barcelone. 

(10) Conférence de presse, 13 février 2006.

La publicité

 

 

Charles Honoré Loupot, 1921, 127 x 90 cm, 

Orell Füssli Graphische Betriebe AG, Zürich, .

Anon., 1900, 149 x 99 cm.

Anon., 1910.

Viktor Rutz, 1938, 127 x 90 cm.

1957.

Karl Bickel, 1934, 128 x 90 cm.

Leonetto Cappiello, 1929, imp. Devambez, Paris,

128 x 90,5 cm.

Viktor Rutz, 1942, 127 x 90 cm.

Victor Rutz, 1946

Anon., ca 1960, 70 x 91 cm.

1985, 128  x 90,5 cm.

1978, 128 x 90,5 cm.

Charles Kuhn, 1936, 127 x 90 cm.

1975, 128 x 90,5 cm.

Anon., 1966, 127 x 90 cm.

Martin Peikert, ca 1960, 31,8 x 22,5 cm.

1982, 128 x 90,5 cm.

Ruth Imhof, 1972, 44 x 64 cm.

Viktor Rutz, 1952, 127 x 90 cm.

Hans Tomamichel, années 1930.

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